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de regret, le vieux Blücher jetant du haut du dôme de Saint-Paul son coup d’œil d’épervier sur Londres étendu à ses pieds. Was für plunder ! murmurait dans son cercle d’Hanovriens faméliques l’électeur de Hanovre devenu « roi d’Angleterre, de France et d’Irlande, défenseur de la foi. » Et il pilla de son mieux, lui, ses secrétaires, ses maîtresses, ses cuisiniers et ses intendans, Mustapha et Mahomet, ses nègres, mais en gens qui manquent d’expérience et ne se sont jamais trouvés à pareille fête ; qui, toute leur vie, ont vécu chichement ; qui grappillent n’osant prendre, et se cachent pour expédier en Hanovre leur maigre butin. On le laissait faire et on riait. Qu’était cela à côté des folles largesses de ses prédécesseurs ? Puis son cœur était en Hanovre ; l’Angleterre ne l’intéressait guère ; il la laissait vivre à sa guise, vivant à la sienne, se gouverner comme elle l’entendait, pourvu qu’on le laissât malmener en soudard ses beautés allemandes, manger et boire tout son soûl.

Quand il mourut, sir Robert Walpole partit à cheval porter à Richmond, à George II, l’avis que son père venait d’expirer dans la calèche qui le menait à Ahlden, en Hanovre. George II digérait et dormait. Réveillé en sursaut, il accueillit la communication du secrétaire d’état, du souverain de fait d’Angleterre, par ces mots : Dat is one d… delie. C’est un sacré mensonge. — Et il continua son règne comme il l’avait commencé, colérique, violent, jurant et sacrant, traitant ses ministres de menteurs, de voleurs, de canailles, mais leur obéissant ; ricanant au nez des évêques, se grisant consciencieusement le dimanche, rarement sobre le reste de la semaine ; préférant, lui aussi, le Hanovre à l’Angleterre ; toutefois, s’étant bien battu à Oudenarde, cynique et brave, provoquant le roi de Prusse en duel, n’aimant que sa femme, la belle Caroline de Anspach, qui l’adore et qu’il trompe. Elle connaissait bien l’homme ; à son lit de mort, elle le conjure de se remarier quand elle ne sera plus, et, pour la consoler, il s’écrie en sanglotant : « Me remarier, moi, jamais !.. J’aurai des maîtresses. »

Et il le fit comme il l’avait promis, se costumant en Turc et habillant lady Yarmouth en sultane ; lady Yarmouth, à laquelle il disait publiquement « qu’elle n’était pas digne de dénouer les chaussures de sa défunte épouse, » de Caroline, dans le cercueil de laquelle il voulut être enseveli. D’ailleurs, ne tenant pas en place, toujours en quête d’un prétexte pour visiter son cher Hanovre, s’y rendant huit fois pendant son règne et ne voyant rien d’autre à reprendre à la guerre de sept ans que l’impossibilité où elle le mettait de voyager en Allemagne.

Le petit-fils succède au grand-père, George III à George IV. Dénué