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pouvait exercer, à ce titre, qu’un commandement temporaire, et, comme il touchait au terme de sa mission, il fut obligé, afin d’en solliciter le renouvellement, de se rendre à Paris, à la fin d’avril, juste au moment où allait commencer l’opération détachée du grand projet sur lequel il avait fondé naguère de si flatteuses espérances. Ce fut au général Pélissier, appelé d’Oran, que revint l’intérim du gouvernement, et le général de Saint-Arnaud fut chargé de diriger l’expédition de la Petite Kabylie.

Dans la Petite comme dans la Grande, les populations, tenues en éveil par la rumeur publique, s’étaient préparées non-seulement à la résistance, mais même, sur certains points, à l’offensive. Au mois d’avril, le commandant de Philippeville, qui s’était rendu à Collo avec une faible escorte, fut soudainement assailli et ne parvint à échapper qu’en abandonnant ses chevaux pour sauter dans une barque et gagner le large. Vers le même temps,. un nouvel agitateur, Bou-Baghla, — l’homme à la mule, — soulevait les Grands Kabyles. Le 19 mars, suivi d’une troupe nombreuse de Zouaoua et de Beni-Mellikeuch, il avait surpris la zaouïa de Chellata, chassé le marabout Si-ben-Ali-Chérif, ami des Français, ravagé ses cultures, enlevé ses troupeaux, et depuis entretenu la terreur dans la haute vallée de l’Oued-Sahel, jusqu’au jour où, battu par une colonne sortie d’Aumale avec le colonel d’Aurelle, il disparut dans le Djurdjura. Six semaines plus tard, on le vit reparaître, à l’autre extrémité du massif, devant Bougie qu’il eut l’audace d’insulter; mais il en fut le mauvais marchand ; après avoir laissé beaucoup des siens sous les remparts de la place, il disparut encore une fois et, de quelque temps, on n’entendit plus parler de lui.

L’époque des opérations était arrivée. Le 8 mai, une division de 8,700 hommes était réunie à Mila ; la 1re brigade, sous les ordres du général de Luzy, comprenait : quatre bataillons des 9e, 10e et 20e de ligne, le 2e de chasseurs à pied, les tirailleurs indigènes de Constantine ; la 2e, sous les ordres du général Bosquet : deux bataillons du 8e de ligne, un bataillon du 16e léger, un de zouaves, un de la légion étrangère, le 3e" bataillon d’Afrique. À ces douze bataillons, il faut ajouter, par brigade, 100 chasseurs d’Afrique, 4 obusiers de montagne, une section de sapeurs, 180 mulets du train. Telle était, dans son ensemble, la colonne Saint-Arnaud, qui, tout en étant la principale, devait agir excentriquement, puisque son terrain d’opérations était tout à l’extrémité orientale, presque en dehors de la Petite Kabylie proprement dite, dans le triangle compris entre Djidjeli, Mila et Philippeville. A l’ouest, au contraire, plus près du cœur de la Kabylie, une colonne secondaire, commandée par le général Camou, devait couvrir le flanc gauche de la première, et guerroyer pour son compte entre Sétif et Bougie. Cette colonne, qui