Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 90.djvu/780

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

150 francs, obtient des souscriptions pour 200, dont la moitié payée d’avance et, de ce chef, verse 30,000 francs dans la caisse de son comité; à Bordeaux, sous l’impulsion du vicomte de Pelleport, on a fait un prodige : 94 hôpitaux divisés en six groupes pourront recevoir 6,655 blessés; on s’est mis à l’œuvre : 18 hôpitaux, contenant 1,127 lits, sont déjà prêts à fonctionner sous la direction de 36 médecins; le service religieux est assuré par suite d’une entente avec l’archevêque, ainsi qu’avec les consistoires protestans et israélites ; le personnel administratif est engagé, et 200 infirmiers, qui seront placés sous la surveillance des religieux, des sœurs de charité et des dames du comité bordelais, seront au chevet des malades aussitôt qu’on les appellera. En vérité, si les bruits de guerre, que des effaremens ou des tripotages peu avouables font périodiquement courir, n’avaient eu pour résultat que de stimuler à ce point le patriotisme et l’ardeur à bien faire, il faudrait les bénir.

La Société de secours aux blessés aurait-elle pu donner plus d’ampleur à son œuvre et subvenir, mieux encore qu’elle ne l’a fait, aux nécessités qu’une guerre ferait immédiatement surgir? La question est délicate, mais ne peut pas être éludée. J’y répondrai avec une franchise qui me sera d’autant plus facile que nul reproche ne peut être adressé aux comités, pas plus à celui de Paris qu’à ceux de la province. S’il y a faute, elle ne leur incombe pas, et ils sont les premiers à en souffrir. L’abnégation, l’intelligence, l’assiduité ne suffisent pas pour mettre à exécution les projets que l’on a conçus, pour lutter contre la barbarie et l’amoindrir. Bien souvent le cœur reste impuissant lorsque l’escarcelle est vide; notre Croix rouge le sait, car ses charges sont lourdes et ses ressources sont limitées. Sous peine de faire banqueroute et d’être en défaillance à l’heure du péril, elle est contrainte à n’être prodigue que de son dévouement. Elle n’est point comme le roi Midas et ce qu’elle touche ne se change pas en or; elle a beau être parcimonieuse des deniers sacrés dont elle a l’administration, elle est souvent embarrassée pour faire face à certaines dépenses qui s’imposent; disons le mot tout net : elle est pauvre, elle est beaucoup trop pauvre, malgré les dons et malgré les legs que des gens de cœur ont tenu à gloire de lui faire. Ses ressources se composent d’un minime capital inaliénable en temps de paix, des cotisations annuelles et du produit de certaines fêtes de charité. La dernière a été un admirable carrousel militaire donné, les 16 et 17 avril de cette année, dans le Palais de l’Industrie ; les élèves des Ecoles de Saumur, de Fontainebleau, de Saint-Cyr, les officiers de l’École supérieure de guerre ont fait assaut d’adresse et d’habileté ; c’était un tournoi pro domo suf. Il a valu 55,000 francs à la caisse de secours aux blessés. Plus tard, peut-être, quelque fringant sous-lieutenant