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Pharaons, des Ptolémées et des khalifes ; la vieille Isis prit rang parmi les divinités anglaises ; cela n’empêcha pas Gordon d’être massacré à Khartoum, car la tardive expédition qui avait reçu mission de le délivrer échoua plus piteusement encore qu’elle n’avait été menée. La Croix rouge française se mit donc à la disposition de la Croix rouge d’Angleterre et lui proposa ses services ; la réponse fut courtoise; la campagne avait été si rapide et si peu meurtrière que la Société de secours de Londres n’avait eu qu’à envoyer un petit nombre d’infirmiers en Égypte ; néanmoins, quelques bouteilles de vin de Bordeaux seraient reçues avec plaisir par les soldats de la Grande-Bretagne déjà rapatriés et soignés à l’hospice de Netley. Au lieu de quelques bouteilles, on chargea le comité de la Gironde d’expédier à destination des caisses de vin de choix. Ceci n’était en quelque sorte qu’un échange de bons procédés ; le comité de Marseille eut une tâche plus lourde.

Il recueillit les réfugiés qui, échappés d’Alexandrie après le bombardement, étaient venus demander un asile à la France. Il fallut pourvoir à tout, vêtir, nourrir, abriter ces infortunés. Beaucoup d’entre eux, désespérés d’une ruine imméritée, harassés d’émotions, vaincus par les privations, étaient malades ; tout de suite on disposa pour eux une ambulance de 50 lits, qui bientôt fut insuffisante ; on en ouvrit une seconde de 70 lits ; l’hospitalité y fut généreuse et large, car elle se chiffra par 5,575 journées d’infirmerie. Le président du comité avait réuni les dames de Marseille adhérentes à la Croix rouge ; il n’eut pas à leur indiquer leur devoir : elles furent admirables. Ce n’est pas seulement dans la guerre anglo-égyptienne que notre Croix rouge est intervenue comme une sœur de charité qui s’empresse là où l’on souffre. Je l’aperçois en Bulgarie, en Serbie ; je la vois aux pieds des Balkans offrant ses dons aux Russes comme aux Turcs, fidèle à son mandat et ne négligeant aucune occasion de l’exercer. En agissant ainsi, elle est bien de notre pays. Partout où il y a du bien à faire, il est naturel que la France y soit ; j’estime également, — quoique le dieu Mars me fasse horreur, — qu’elle était dans l’exercice de sa mission à Navarin, pour délivrer la Grèce; à Anvers, pour compléter la Belgique; à Solferino, pour rendre l’Italie à elle-même. N’est-elle pas, tout entière, une Société de secours aux blessés ?


VIII. — LES DÉLÉGATIONS RÉGIONALES.

Au milieu de ses différens travaux, tout en accordant des allocations renouvelables aux impotens, aux veuves, aux orphelins de la guerre franco-allemande, tout en regardant au-delà des mers, afin de donner aide à nos soldats conduits à de lointaines aventures, la