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de la guerre. Quant au recrutement, ce n’est qu’une sorte de prime, non de prime à l’anglaise, mais du bon plaisir.

Un capitaine arrive dans un village et s’adresse d’abord au maire ou cheik, pour qu’il lui fasse connaître quels sont ceux de ses administrés bons pour le service. Le cheik commence par éliminer les siens, les hommes qu’il protège, ou encore ceux dont il attend quelque service, puis il présente ce qui en reste. On les emmène, liés souvent, à moins que leur bourse ne leur permette de payer la prime d’exonération. L’année qui suit, survient un nouveau capitaine, qui ne tient aucun compte de ce que son devancier a fait, et les mêmes abus recommencent. Si des soldats désertent, on exige des parens leur arrestation personnelle ou la présentation de deux hommes en remplacement d’un seul, et que ces deux hommes soient de leurs plus proches parens. Et s’ils n’ont pas de parens et si ceux-ci sont insolvables? C’est le village qui est responsable. « j’ai vu, a dit un agent consulaire, un village obligé de payer pour quatre ou cinq déserteurs. »

On sait, pour peu que l’on ait entendu parler des produits agricoles d’Egypte, que l’irrigation exerce une influence prépondérante sur les récoltes du pays, et, par conséquent, sur le rendement des impôts. Or, il manquait absolument une règle pour la répartition des eaux, comme il en manquait pour toutes les autres choses de ce genre. Chacun mesurait la somme d’abus qu’il pouvait commettre au degré d’importance de sa position. Il n’existait aucun tribunal auquel les contribuables pussent demander la réparation du préjudice résultant pour eux de la mauvaise application d’une loi fiscale. « L’erreur n’est pas possible, » disait sans hésitation un percepteur-général à la commission d’enquête; et, en effet, on ne pouvait rien prendre illégalement à des gens à qui l’on prenait tout... légalement. Depuis lors, la cour d’appel a été chargée d’étudier les moyens d’assurer aux indigènes le bénéfice d’une justice régulière.

Les commissaires terminèrent leur laborieuse enquête en proposant une série de réformes. En les parcourant, on aura la juste idée de la situation du pays peu de temps avant l’abdication forcée de celui qui en était le maître absolu : — Aucun impôt ne sera perçu, si ce n’est en vertu d’une loi publiée dans un recueil officiel. — L’exercice du pouvoir législatif devra être entouré de garanties telles que les lois d’impôts puissent être appliquées à tous les habitans de l’Egypte, sans distinction de nationalité. — Les agens de perception seront mis effectivement sous les ordres du ministère des finances; leur gestion contrôlée sur place par des inspecteurs ne relevant que de l’administration centrale. — Réforme de comptabilité; organisation d’une comptabilité budgétaire. — Constitution