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mauvaise qualité des eaux alimentaires[1]. Le maire de Pékin est avant tout un agent de l’administration, payé très largement nommé par l’empereur d’après des règles fixes. Premier magistrat, gouverneur civil de la capitale, membre du conseil des ministres, grand-maître des cérémonies, mandarin de première classe, le Fou-Yin a des attributions aussi importantes que variées. Par exemple, lorsque l’empereur sacrifie sur les Than ou dans les Miao, c’est lui qui fait les invocations et récite les prières ; au printemps et à l’automne, il offre personnellement un grand sacrifice à Confucius ; il veille à ce que le buffle d’argile, que l’on doit promener le jour de la fête du labourage, ait très exactement 4 pieds de hauteur pour figurer les quatre saisons, et vérifie si le mannequin d’osier qui représente l’Esprit des Épis a trois cent soixante feu, emblèmes des trois cent soixante-cinq jours de l’année. Le jour de la fête, précédé d’un magnifique cortège, la tête couronnée de fleurs, il sort de l’hôtel de ville pour aller à la rencontre du Printemps, qu’il reçoit en prononçant le discours d’usage. Lorsque l’empereur laboure lui-même, c’est le maire qui lui présente le fouet, et quand le fils du Ciel quitte le manche de la charrue, le maire de Pékin, avec sa suite, achève de labourer le champ. Dans les festins publics qu’on nomme hiang-yin, il est l’hôte qui reçoit. Il a la police des cimetières, la garde des registres de l’état civil, fait opérer le recouvrement des contributions, constate le prix des grains et de l’argent, administre l’hospice de la vieillesse, l’hospice des enfans, exécute les statuts sur les examens, assiste à la réception des candidats qui ont obtenu la licence ; chaque fois que l’on proclame un nom, il fait au candidat nommé trois grandes révérences, puis il lui remet le chapeau, la robe et les bottines dont il est parlé dans le code des examens publics et concours.

Après l’adjoint, second magistrat de la capitale, les principaux fonctionnaires de l’hôtel de ville sont: le Tchi-Tchoung, contrôleur des impôts ; le Thoung-Pan ou juge de paix ; le King-Li, secrétaire-général de la mairie ; le Sse-Yo, intendant des prisons ; les Kiao-Cheou, recteurs du département chargés de toutes les écoles de Pékin.

  1. Un savant orientaliste, M. Deveria, m’a conté cette piquante anecdote : « Ç’a été toute une affaire lorsqu’il a fallu faire nettoyer l’égout qui passe près de la légation dans la grande rue. À nos premières réclamations, le yamen répondit que, cette année-là, ce n’était pas le tour de notre quartier. Revenant à la charge, nous obtînmes une promesse favorable, et l’on vint m’annoncer un beau matin que des fonctionnaires des travaux publics se trouvaient à l’endroit en question. Je sortis pour les voir ; ils étaient en train de s’agenouiller et de se prosterner devant une table tendue de rouge, sur laquelle brûlait de l’encens au milieu de petits plats de friandises. J’appris alors que ces cérémonies avaient pour but de bien disposer les guivres, basilics et autres esprits maussades que les ouvriers devaient déranger. On n’ouvrit l’égout qu’au bout de huit jours. »