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vote pour son pupille. Une disposition très originale est celle qui accorde à chaque électeur un nombre de voix proportionné à ses contributions, à raison d’une voix par couronne d’impôt, mais sans pouvoir dépasser cent voix, qui correspondent à un revenu de 10,000 couronnes (13,800 fr.).


V.

Depuis 1870[1], chaque ville russe possède un conseil élu, douma, une commission de ville, ouprawa, un maire (golova) nommé par la douma. Le pouvoir administratif appartient à l’ouprava, la tutelle administrative à une assemblée composée surtout de fonctionnaires et présidée par le gouverneur de la province. Plusieurs grandes villes, Moscou, Saint-Pétersbourg, Odessa, forment à elles seules un district et envoient des députés à leur conseil provincial ; ces deux dernières ont aussi un préfet qui remplit les fonctions de gouverneur.

A la représentation par classe ou corporation, le statut de 1870 substitua la représentation de la propriété et des intérêts : les électeurs sont divisés en trois catégories, dont chacune paie une part égale de contributions, nomme un nombre égal de représentans ; les femmes, les absens, les administrations, sociétés, couvens, églises, votent par mandataires. Malheureusement, un tel système, qui favorise la propriété immobilière et le commerce, exclut les hommes les plus capables, médecins, avocats, professeurs, artistes, écrivains, les rentiers eux-mêmes, et aboutit au règne de l’aristocratie d’argent, d’une ploutocratie, comme disent les Russes, trop souvent ignorante, immorale et intrigante. A la fin du règne d’Alexandre II, écrit M. Leroy-Beaulieu, la capitale elle-même était gouvernée par un parti compact et solidaire, désigné du nom significatif de compagnie noire (tchernaia sotnia) ; sous la domination de cette bande, composée surtout de petits commerçans, de restaurateurs et d’aubergistes, le conseil municipal de Pétersbourg était devenu une sorte d’hôtel des ventes où l’on trafiquait cyniquement des intérêts de la ville. « Tu voles plus que ton grade, » disait un général russe à son inférieur : parole profonde qui résume la conduite de beaucoup de détenteurs de l’autorité. Autre danger: les électeurs votent très peu, les élus n’assistent guère aux

  1. Voir les belles études de M. Anatole Leroy-Beaulieu sur l’Empire des tsars et les Russes, 2 vol. in-8o, Hachette; Demombynes, ouvrage cité, t. Ier ; le docteur Martin, Pékin, son édilité (Bulletin de la Société de géographie, 1873); Bazin (Journal asiatique, 5e série), Institutions municipales de la Chine; G. Pauthier, la Chine moderne; Bulletin de la Société d’économie sociale, tomes III et IV; études de MM. Eugène Simon et Paul Cave.