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chef du bureau politique, les amena au gouverneur. Ils s’assirent à terre, en demi-cercle, devant sa tente ; l’un d’eux devait écouter ses paroles traduites par un interprète et répondre au nom de tous. Alors s’engagea le dialogue :

« Vous tous qui êtes ici, représentez-vous entièrement la tribu de Beni-Raten et pouvez-vous vous engager pour elle ? — Oui, nous sommes les aminés délégués par toute notre nation, et nous avons mission de parler pour tous les fils des Raten ; ce que nous aurons accepté sera accepté par tous.

« Pourquoi avez-vous manqué aux promesses de soumission que vous m’avez faites au Sebt des Beni-Yaya, puis en 1855, à Alger, et fomenté des révoltes chez les tribus soumises ? — Si quelques hommes des Beni-Raten ont fait cela, tous ne l’ont pas fait ; mais nous reconnaissons nos fautes, et nous venons ici pour nous excuser du passé et nous soumettre aux Français.

« Avez-vous, cette fois, l’intention de tenir fidèlement vos promesses et d’exécuter les conditions qui vous seront imposées? — Nous promettons que notre tribu sera fidèle aux promesses que nous te ferons en son nom.

« Voici quelles sont les conditions que je vous impose ; si elles ne vous conviennent pas, vous retournerez à vos villages, vous reprendrez vos armes, nous reprendrons les nôtres, et la guerre décidera ; mais si vous nous forcez à combattre, après le combat nous couperons vos arbres, et dans vos villages nous ne laisserons pas pierre sur pierre. — Nous sommes vaincus, nous nous soumettons aux conditions qu’il te plaira d’imposer.

« Vous reconnaîtrez l’autorité de la France. Nous irons sur votre territoire comme il nous plaira. Nous ouvrirons des routes, construirons des bordjs; nous couperons les bois et les récoltes qui nous seront nécessaires pendant notre séjour ; mais nous respecterons vos figuiers, vos oliviers et vos maisons. Vous paierez, comme contribution de guerre et juste indemnité des désordres que vous avez causés, 150 francs par fusil. — Les Beni-Raten ne sont pas riches, et beaucoup parmi eux n’ont pas assez d’argent pour payer cette somme.

« Lorsque vous avez fomenté la révolte des tribus qui sont autour de vous, chacun de vous a su trouver de l’argent ; les riches ont payé pour les pauvres. Vous ferez comme vous avez fait. Les riches prêteront aux pauvres, afin que tous paient et que chacun supporte la peine des fautes de sa nation. »

Ici, remarque la relation de l’état-major, une sorte de brouhaha, de réclamations confuses, s’élève parmi les députés ; quelques-uns parlent ou gesticulent ; le chef les apaise peu à peu, et répondant pour tous : « Nous paierons la contribution que tu demandes. »