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des groupes armés qui appartenaient à diverses tribus, surtout de la zone septentrionale, entre le Sebaou et la mer. Il y avait là des Beni-Ouaguenoun, des Flisset-el-Bahr, des Beni-Djeunad, l’approche d’une petite colonne, amenée rapidement par le général Deligny, commandant la subdivision d’Alger, suffit pour débloquer le bordj; puis il fallut faire sur les insurgés un exemple. Ce furent les Beni-Ouaguenoun qui payèrent pour leur propre compte et pour celui des autres, à l’exception toutefois des Beni-Djennad, qui s’exécutèrent eux-mêmes, la moitié soumise ayant rudement châtié la moitié réfractaire.

On savait que cette folle tentative avait été provoquée par les excitations des Beni-Raten. C’était eux aussi qui excitaient ou guidaient même contre les tribus paisibles de l’Oued-Sahel et du Sebaou des bandes de pillards ; mais ils étaient assez habiles pour ne se laisser point prendre en faute. Les choses traînaient de la sorte dans un état d’indécision et de malaise, lorsque, vers la fin d’août, le coup de main, vainement tenté sur Tizi Ouzou sept mois auparavant, faillit être renouvelé contre Dra-el-Mizane ; sans l’indiscrétion d’un Kabyle, il eût probablement réussi, car le poste était faible et n’aurait pu opposer qu’une poignée d’hommes aux assaillans.

À cette date, la guerre d’Orient avait pris fin ; les troupes d’Algérie, qui, dès le début, s’y étaient portées, venaient de rentrer avec leur gloire noblement acquise. N’était-ce pas le moment d’en finir avec les Grands-Kabyles, Beni-Raten et autres? Telle était l’opinion du gouverneur-général, dont l’autorité devait peser d’un plus grand poids dans les conseils du gouvernement, depuis que la faveur impériale l’avait élevé, le 16 mars 1856, à la dignité de maréchal de France. « Vous m’avez fait connaître, écrivait-il au maréchal Vaillant, ministre de la guerre, que la volonté de l’empereur était de me donner, quand la paix serait conclue, les troupes nécessaires pour faire en Kabylie une sérieuse et, s’il plaît à Dieu, une dernière expédition. Vous-même, vous m’avez encouragé à concevoir cette espérance. J’ai donc lieu de compter sur une prochaine solution de cette question, qui m’occupe depuis plus de quatre années. Je crois cependant devoir vous faire remarquer que je ne puis ordonner aucun préparatif aussi longtemps que je demeurerai dans cette situation d’expectative. » La conclusion fut que le maréchal Randon ayant demandé l’autorisation d’ouvrir la campagne au mois de juin, le ministre crut devoir l’ajourner au printemps de 1857, pour cette raison qu’avant d’être lancés dans de nouvelles aventures, les vainqueurs de Sébastopol avaient le droit et le besoin de se reposer quelque temps de leurs glorieuses fatigues.

Il résultait de cette controverse qu’en attendant le maréchal Randon devait se réduire au simple nécessaire; mais, pour lui, le