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dans ces montagnes un village nommé aussi Taourirt; de même que son homonyme des Beni-Menguellet, il avait été crénelé, barricadé, fortifié en manière de réduit. Six bataillons de la division Mac-Mahon l’emportèrent; ce fut alors fini de la résistance. Le 4, les députés des vingt-deux villages qui composaient la tribu des Beni-Hidjer vinrent se soumettre à toutes les conditions qu’il plut au gouverneur de leur imposer. Le 6, les deux divisions reprirent le chemin de leurs provinces respectives.

Analogue à la pointe poussée, en 1851, par le général de Saint- Arnaud dans la Kabylie des Babors, l’expédition du haut Sebaon n’était en fait qu’une grande reconnaissance; elle donna d’utiles renseignemens pour l’avenir, mais elle fut payée bien cher, car les pertes s’élevèrent à plus de 900 tués ou blessés. Il ne serait cependant pas juste de prétendre qu’elle n’ait pas eu de résultats immédiats : elle arrêta sur place un mouvement de révolte qui, dans les circonstances difficiles où se trouvait alors l’Algérie, aurait pu s’étendre en plaine, et, de plus, elle ruina pour toujours le crédit de Bou-Baghla, qui ne s’était pas distingué personnellement dans la résistance. Réduit à courir les aventures, l’ancien chérif du Djurdjura s’en alla faire du brigandage dans la vallée de l’Oued-Sahel, et fut tué misérablement, le 26 décembre, dans un guet-apens qu’il avait tendu au kaïd des Beni-Abbès.


VI.

Pendant l’année 1855, un calme relatif ne cessa pour ainsi dire pas d’être l’état normal de l’Algérie, de la Grande-Kabylie même. Il y avait cependant de temps à autre quelques symptômes d’agitation dans le Djurdjura.

Depuis la soumission de Si-Djoudi et de la plus grande partie des Zouaoua, c’était la confédération des Beni-Raten qui s’était saisie de leur succession en déshérence. Tout s’accordait pour faire d’elle un centre de résistance, l’âpreté du sol et la fierté des esprits. Eh se résignant, ou plutôt en paraissant se résigner aux conditions que leur avait faites le général Randon, en 1854, les Beni-Raten s’étaient flattés d’y trouver par compensation de grands avantages pour leur commerce d’huile et de figues sèches; mais comme ils n’avaient pas été plus particulièrement favorisés que d’autres, ils en avaient conçu et montré de la mauvaise humeur. Ce qui les gênait et les irritait, c’était le voisinage des bordjs français de l’ouest, particulièrement de Tizi Ouzou, le plus rapproché, qui, sous le commandement du capitaine Beauprêtre, était devenu un poste du premier ordre.

Le 20 janvier 1856, Tizi-Ouzou se vit investi soudainement par