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16e léger, 7e bataillon de chasseurs; la 2e, colonel Piat, un bataillon du 71e, , un du 3e zouaves, un de tirailleurs indigènes. Parti de Sétif le 26 mai, le général de Mac-Mahon était le 1er juin à Ksar Kbouch, prêt à passer de la vallée de l’Oued-Sahel dans le bassin du haut Sebaoui. le même jour, la division Camou occupait, à 7 lieues à l’est de Tizi-Ouzou, le bivouac de Chaoufa, sur la rive gauche du Sebaou moyen.

Ainsi commençait, à l’improviste, sans plan réglé d’avance, la première expédition sérieuse dans la Grande-Kabylie, ce qu’on peut nommer le prologue de la conquête. Pour réduire la Kabylie des Babors, il avait fallu s’y reprendre à trois fois ; il fallut aussi trois campagnes pour avoir raison des Grands-Kabyles, mais avec infiniment plus de peine et d’effort. C’est qu’entre les Grands et les Petits-Kabyles, s’il y avait communauté de race et d’institutions, il n’y avait plus au même degré communauté de caractère. Sur la rive droite de l’Oued-Sahel, l’énergie était moindre ou, si l’on veut, moins persévérante; sur la rive gauche, et surtout parmi les arêtes neigeuses du Djurdjura, l’âpreté du montagnard égalait l’âpreté de la montagne. La population était dense ; dans le Djurdjura seul, on comptait que les confédérations pouvaient armer 29,000 guerriers.

Au combat, le fantassin kabyle est un type à part, très distinct de l’Arabe. Ni haïk, ni burnous pour unique vêtement, une chemise de laine ; sur la tête rasée, une calotte de feutre ; aux pieds, quand ils ne sont pas nus, des sandales de peau fraîche ; autour de la taille une ceinture de cuir qui soutient le flissa d’un côté, la cartouchière de l’autre. Le Kabyle a le plus grand soin de son fusil ; il fabrique sa poudre, qui est meilleure que celle de l’Arabe; mais il la ménage mieux, parce qu’elle est très chère ; au témoignage du général Daumas, le prix de la cartouche, en 1847, était de 0 fr. 40. Aussi tire-t-il posément et pour ainsi dire à coup sûr. Dans le Djurdjura, les villages ne sont plus guère bâtis sur les pentes, encore moins dans les fonds; on les aperçoit tout en haut, perchés sur les sommets, comme les burgs du moyen âge ; pour avoir de l’eau, il faut que les femmes descendent bas et remontent péniblement la cruche sur l’épaule. Quand les hostilités menacent, le village est entouré d’abatis, de retranchemens en pierres sèches, souvent étages et donnant de bons flanquemens. En somme, c’est une race belliqueuse, nerveuse, agile, sobre, tenace éminemment douée pour la guerre.

Le seul concert entre les deux divisions de l’est et de l’ouest était qu’elles devaient marcher à la rencontre l’une de l’autre. Le 4 juin, le gouverneur, qui avait rejoint le général Camou au bivouac de Chaoufa, lui fit passer le Sebaou et l’engagea sur la rive droite