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en route ; mais quand les gens d’Ouargla et des environs apprirent la marche de celui qu’ils nommaient le khalifa français, ils s’empressèrent de rebrousser chemin et de courir à la défense de leurs ksour menacés, de sorte qu’il ne resta plus autour du chérif que les Larbâ et les Ouled-Naïl réfractaires.

Avec sa troupe réduite, il prit position sardes dunes de sable dont l’abord semblait inaccessible ; Si-Hamza, cependant, n’hésita pas à l’y attaquer. Cette première mêlée d’Arabes sous un nuage de poussière, parmi les hurrahs, les coups de feu, le cliquetis des armes blanches, longue, tumultueuse, demeura incertaine. Des deux parts, comme par un accord tacite, on s’arrêta. Si-Hamza, blessé, mais n’y prenant pas garde, s’occupait de reformer son monde, quand il vit un groupe d’hommes s’avancer en criant de toutes leurs forces : « Au nom de Dieu, nous te demandons l’aman; nous voulons vivre désormais sous ton drapeau et sous celui des Français ! » et lui présenter le cheval de gada. De l’avis de ses lieutenans, il accepta la soumission qui lui était offerte. Quant au chérif, il avait disparu ; on sut plus tard qu’il s’était retiré d’abord près de Tougourte, puis, ne s’y trouvant pas en sûreté, dans le Djerid tunisien. Ouargla ouvrit ses portes au vainqueur.

Le 16 janvier 1854, les commandans Du Barail et Niqueux se rejoignirent à Metlili, Deux jours après, ils virent arriver le colonel Durrieu, commandant supérieur de la subdivision de Mascara, chargé par le gouverneur-général de préparer l’organisation de la région conquise. « La tranquillité du pays est telle, écrivait-il de Metlili le 20 janvier, que j’ai pu prendre les devans de ma colonne avec 20 chevaux. Je veux aller à Ouargla en sept jours, en passant par le Mzab, dont toutes les djemâ sont auprès de moi et m’apportent des cadeaux de dattes, d’œufs d’autruche et de plumes. Nous voilà réunis de Mascara, Tiaret, Médéa, Laghouat, comme par un coup de baguette, sous les murs d’une oasis jusqu’ici presque ignorée. J’ai devant ma tente 20 quintaux de dattes que je distribue à la troupe. »

Suivi seulement d’une quarantaine de spahis et d’une vingtaine d’Arabes, le colonel Durrieu prit la direction de Ngouça. Le 27, vers le milieu du jour, il vit une grosse troupe de cavaliers venir à sa rencontre ; c’était Si-Hamza et son escorte. Il s’arrêta sur une dune, et « pour établir nettement, suivant son expression, la situation aux yeux de tous, » avant de recevoir le salut du khalifa, il lui montra le fanion tricolore et le mit en demeure de rendre hommage au symbole de la patrie française. « Je n’ai qu’un drapeau, dit sans hésitation Si-Hamza, c’est celui que tu portes ; je me suis battu pour la France et je mourrai pour elle au premier ordre. » Alors le colonel mit pied à terre, embrassa le khalifa, le complimenta