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le chemin qui conduisait à la batterie, tout à découvert, suivait une arête rocheuse incessamment fouettée par les balles; ce fut là que le général Bouscaren tomba, frappé mortellement, à côté du général en chef. Après trois heures d’un tir soutenu, la brèche fut jugée praticable. Douze compagnies de zouaves, quatre du 1er régiment, huit du 2e, se formèrent en trois colonnes, dont une de réserve. La fumée d’un bûcher, allumé au sommet du mamelon, donna par-dessus l’oasis au général Jusuf le signal de l’attaque. Au même instant, les clairons sonnèrent la marche des zouaves ; les colonnes d’assaut s’élancèrent ; la brèche abordée, franchie, dépassée, le combat s’engagea dans les rues; mais les défenseurs de Laghouat, en dépit de leur exaltation première, n’eurent pas la sauvage énergie de ceux de Zaatcha.

Pendant que le lieutenant-colonel Cler, accompagné du lieutenant-colonel Deligny, directeur des affaires arabes de la province d’Oran, se rendait maître de la kasba de Ben-Salem, de la mosquée, de tout le mamelon méridional du ksar, le général Jusuf, à la tête du 2e bataillon d’Afrique et des tirailleurs indigènes d’Alger, escaladait la muraille du nord et rejoignait à la kasba ses compagnons de victoire.

Il ne restait plus qu’une grande maison, dite du khalifa, d’où partaient encore des coups de feu. C’était là qu’étaient retenues prisonnières, sous la garde d’une troupe de Mzabites, fanatiques serviteurs du chérif, les familles des anciens partisans de Ben-Salem. Pour les zouaves, ignorans des péripéties de leur histoire, gardiens et captifs, c’était tout un, et ils auraient fait bon marché des uns comme des autres sans l’intervention propice du lieutenant-colonel Cler, qui eut la satisfaction de rendre à la vie et à la liberté ces intéressantes victimes. Quant au chérif, plus heureux que Bou-Ziane, il réussit à s’échapper de Laghouat.

A deux heures, tout était fait. Comparées à l’importance du succès, les pertes n’étaient point trop grandes ; mais avec le général Bouscaren, l’armée avait à regretter le digne héritier d’un des célèbres divisionnaires du premier empire, le commandant Morand, du 2e zouaves, frappé mortellement à l’attaque de la kasba. Il fut enterré, avec trois autres officiers tués à l’ennemi, au pied même de la brèche, comme les glorieux morts du siège de Constantine.

Déjà signalée par la prise de Laghouat, cette journée du 4 décembre 1852 devait l’être encore par un succès que remportait, au même instant, à 50 lieues de distance, le grand chef Si-Hamza. Après avoir traversé, cinq jours durant, cette steppe aride et désolée que les Arabes nomment Bledèel-Ateuch, littéralement le pays de la soif, il surprit, avec un goum de 700 chevaux, entre Berriane et Guerrara, un campement de Mzabites et fit sur les adhérens du