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calme solennel du désert, à la fin de septembre seulement, on entendit reparler du chérif ; ses tentes avaient été reconnues à Ksar-el-Aïrane, sur l’Oued-Mzi, non loin de Laghouat. Le général Jusuf, qui commandait alors la subdivision de Médéa, surveillait, à Djelfa, la construction d’un bordj ou maison de commandement destinée au bach-agha des Ouled-Naîl. Le 2 octobre, il se mit en marche avec une colonne de 800 hommes d’infanterie et de 200 cavaliers. Arrivé sur l’Oued-Mzi et n’y trouvant plus le chérif, qui avait encore une fois disparu, il poursuivit jusqu’à Laghouat.

A Laghouat, comme dans la plupart des autres ksour, la population était divisée en deux factions ou sof ; la nature même y avait aidé. Bâti sur deux mamelons parallèlement allongés du nord-est au sud- ouest, le ksar était partagé en deux quartiers distincts par une rigole dérivée de l’Oued-Mzi, et c’était cette eau précieuse qui était un perpétuel sujet de discorde entre l’un et l’autre. Si le nord l’emportait, le sud mourait de soif, et réciproquement. Depuis quelques années, grâce à la protection des Français, le sud avait le dessus ; mais aussi, grâce aux Français, il n’avait pas abusé de son triomphe. Invité par le fils aîné de Ben-Salem, qui avait le titre d’agha, moins effectif qu’honorifique, le général Jusuf visita Laghouat, prêcha la réconciliation aux deux sof, et ne pouvant concéder aux sollicitations de l’agha l’installation d’une garnison française qu’il n’avait pas l’autorisation de laisser dans le ksar, il s’occupa de former un maghzen de 200 hommes, une sorte de milice locale qu’il mit sous les ordres d’un officier de spahis, nommé Ben-Hamida.

A peine Jusuf eut-il repris le chemin de Djelfa que le chérif d’Ouargla reparut sur la scène, porta le ravage dans le Djebel-Amour et suscita dans Laghouat même, parmi le sof du nord, une révolte devant laquelle Ben-Hamida fut obligé de se dérober au plus vite. La péripétie s’était faite e» moins de quinze jours. Informé de ce singulier revirement, le général Randon prit une série de mesures sagement combinées pour étouffer l’insurrection ou du moins l’empêcher de gagner tout le sud. En même temps qu’il envoyait des renforts à Djelfa, à Bou-Sâda et à Biskra, il prescrivait au général Pélissier de former une colonne active et de se diriger sur Laghouat par El-Biod. Le gouverneur se proposait de s’y porter lui-même d’Alger par Médéa et Boghar. Sur ces entrefaites arriva un nouveau courrier de malheur : Si-Naïmi, frère de Si-Hamza, s’était déclaré pour la révolte, et sa détection pouvait entraîner la puissante tribu des Ouled-Sidi-Cheikh.

Injustement soupçonné d’entente avec le chérif, et retenu, sinon comme captif, du moins comme otage, par le commandant supérieur d’Oran, Si-Hamza pouvait se venger du mauvais vouloir des Français en laissant faire ; mais à la seule idée que Si-Naïmi, son propre