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qui ne tient ni à l’action ni aux personnages. Dans un tout autre genre, la musique du Songe d’une nuit d’été se rattache beaucoup plus à la comédie de Shakspeare que la musique d’Athalie à la tragédie de Racine ; l’une est bien plus féerique que l’autre n’est biblique. L’Egmont de Beethoven, le Struensée de Meyerbeer, et, de nos jours, les Erynnies de M. Massenet, et surtout le chef-d’œuvre du genre, l’Arlésienne de Bizet, sont des partitions autrement théâtrales, autrement inhérentes aux drames qu’elles accompagnent et fortifient.

A l’action, disions-nous, comme aux personnages, la musique d’Athalie demeure étrangère. De l’action, de cette conspiration politique ourdie au fond d’un temple par un prêtre, quelle trace? On nous citera l’ouverture. Au début d’un petit volume consacré à Mendelssohn par Ferdinand Hiller, le traducteur, M. Félix Grenier, a analysé les intentions du musicien dans ce morceau. M. Grenier par le très judicieusement des « religieux et dramatiques accords des trombones commençant l’ouverture et appelant le personnel du temple à la prière ; du chant des lévites demandant au ciel la victoire. » Voici maintenant « l’appel des trompettes annonçant le combat; cette mêlée si tourmentée dans laquelle on entend retentir, au milieu de ta lutte, la prière des lévites soutenant le courage de leurs frères; des traits en imitation, rapides et heurtés, représentant assez exactement ces épisodes que les peintres de batailles aiment à placer au second plan de leurs toiles; la prière du commencement, éclatant à la fin en un hymne de triomphe, hymne s’élevant vers les cieux, porté par les accords des harpes de Sion[1]. »

Oui, tout cela se trouve dans l’ouverture d’Athalie; mais indiqué d’un trait un peu faible, par des couleurs un peu pâles. Partout l’élégance et la mélancolie, plus que la vigueur et la haine. La phrase qui représente la prière des lévites est charmante, mais rien de plus. Même quand elle revient dans lallegro de l’ouverture, elle ne dépasse pas le ton de cette passion tempérée qui anime le plus souvent la musique de Mendelssohn. On voudrait, au seuil de la puissante tragédie, quelque chose de plus grandiose, de plus âpre, par exemple l’ouverture de Coriolan, de Beethoven. L’ouverture de Mendelssohn est belle, sans être tout à fait, selon nous, l’ouverture d’Athalie.

Nous en dirons autant de la marche des prêtres, plutôt pompeuse que guerrière, et rappelant à la fois, précisément par ce caractère de tête, la marche nuptiale du Songe d’une nuit d’été, et l’entr’acte, nuptial aussi, de Lohengrin.

Pas plus que l’action, les caractères d’Athalie n’ont été traités par

  1. Félix Mendelssohn-Bartholdy, par Ferdinand Hiller, traduction de M. F. Grenier, chez Baur. Paris.