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l’observation des autres, qu’il se penchait vers elle et que son haleine effleurait sa joue avec ces paroles : — La mort ne nous séparera point, Barbara. Nous la défierons, ma femme, ma vaillante bien-aimée ! Qu’est-ce que la mort devant l’amour? Ce ne sera qu’une courte attente solitaire pour celui de nous deux qui s’en ira le premier. Elle ne peut pas nous séparer, chérie. — Oui, elle entendit cette voix, tout près de son oreille : — La mort ne peut nous séparer, Barbara.

— Maintenant, il passe la double barrière, se dit-elle tout haut, maintenant il gravit la montée de l’église...

Le chien poussa sous la fenêtre un gémissement plus sinistre que tous les autres, et la voix à son oreille reprit, comme pour la réconforter : — La mort ne peut nous séparer, Barbara.

Elle se retint des deux mains à la balustrade de l’autel et, toujours à genoux, faisant un héroïque effort, elle pria.

— Cher bon Dieu, dit-elle de la voix enfantine qu’elle reprenait toujours aux instans de souffrance, ayez pitié de moi, je n’ai fait de mal à personne. Je vous en prie, protégez-moi... Val ne tient plus à m’avoir pour femme; faites qu’il m’oublie, ne souffrez pas que ces pensées me reviennent; ramenez Jock vite, bien vite... Que je n’attende plus trop longtemps. De grâce, soyez miséricordieux envers moi et enseignez-moi le chemin que je dois suivre.

Aussitôt qu’elle s’arrêta pour reprendre haleine, elle entendit plus distinctement que jamais ces mots : — La mort ne peut nous séparer, Barbara.

— Oh! de grâce, Val! de grâce, Val! murmura-t-elle piteusement. Oh! Dieu, qu’il ne soit pas irrité contre moi. Oh! Val, j’étais si seule! — si seule ! Vous ne savez pas combien tout me manquait;., ces longues nuits sombres pendant lesquelles je pensais à vous, je pensais à vous jusqu’à ce que mon cœur fût près d’éclater... Tu ne sais pas. Val, combien j’aspirais à te revoir! Je te conjurais de revenir... Tu devais m’entendre cependant ; pourquoi n’es-tu jamais venu, jusqu’à ce moment où ta présence est terrible? Je t’en supplie, demande à Dieu de me faire mourir. — Surtout, ne va pas me haïr... Il te ressemblait tant !.. Non, cette excuse n’est pas honnête, parce qu’ensuite je... N’en dis pas davantage, n’en dis pas davantage. Val... Je sais, j’obéirai, si tu veux me reprendre. Oh ! Val, je suis à toi... Je ne peux pas être à un autre... Je ne suis pas la misérable que tu penses... Je ne ferai pas cela... Je n’ai pas pu m’empêcher de le désirer, mais quant à le faire, non, je te le promets ! Si tu voulais seulement venir quelquefois! j’étais si seule, si seule,.. et j’ai peur de la nuit... Tu me manques tout le temps... Je ne l’épouserai pas, Val, je te le jure, si tu veux me pardonner et me reprendre,