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Posen, et nos soldats eurent à en souffrir ; « malgré leur effrayant épuisement, suite naturelle de ce douloureux siège, malgré l’épidémie de la variole, malgré les rigueurs excessives de l’hiver du Nord et la pénurie des vêtemens, trois hommes seulement ont succombé. L’honneur et le mérite de ce résultat, tout à fait extraordinaire, sont dus entièrement aux soins du docteur Schirmer, à sa bonté, à sa charité pour sauver ces malheureux. Il a eu à soigner jusqu’à 500 malades à la fois; jour et nuit son dévoûment ne s’est pas démenti. La France et les familles lui doivent la vie de plusieurs centaines de soldats. » Aux ambulances de Metz et de Vendôme, les Allemands blessés et prisonniers pleuraient de reconnaissance en baisant les mains de Mme Cralie Cahen, notre compatriote, qui, s’étant improvisée infirmière, s’efforçait de leur faire oublier leurs souffrances et la patrie absente. Je regrette que, chez les deux nations rivales, on n’ait pas recueilli tant de faits de compassion, de piété humaine qui sont restés inconnus et qui seraient la meilleure des prédications en faveur de la concorde. Hélas ! il faut faire trêve aux rêveries, car l’aurore de la paix universelle ne semble pas près de se lever à l’horizon.

Le révérend père Joseph n’eut point à faire un voyage d’exploration préalable; tout renseignement lui fut fourni de Berlin par le ministère de la guerre, qui adressa des instructions aux autorités locales. Les prisonniers français ont littéralement encombré l’Allemagne; on les avait disséminés dans 244 villes, dont 38 n’eurent point de décès à constater; dans 48, les officiers et les soldats, récoltant des souscriptions au cours de leur captivité, firent élever un monument commémoratif en l’honneur de ceux d’entre eux qui avaient succombé. Le révérend père Joseph a constaté que nos soldats morts en Allemagne avaient été inhumés dans un terrain particulier, faisant partie du cimetière commun ; que dans les villes possédant un cimetière de garnison, on leur y avait réservé un emplacement spécial ; enfin que dans les camps où les prisonniers avaient été internés, comme à Jüterbock, à Colberg, etc., on les avait enterrés en rase campagne. Il a remarqué, en outre, que dans beaucoup de cimetières les tombes « des Français » étaient convenablement entretenues, et qu’au 2 novembre, jour des trépassés, elles étaient ornées de feuillage. A Parchim, en Mecklembourg, une veuve s’était chargée de pourvoir au bon état des sépultures de nos compatriotes, en reconnaissance des soins qu’un prêtre français prenait du tombeau de son fils tué sur notre territoire pendant la guerre. Le révérend père Joseph termina promptement son inspection, de laquelle il résultait que dans 158 villes les restes de nos soldats n’étaient désignés par aucun monument. Il y pourvut; grâce à lui, grâce à l’aide matérielle que lui prêta la Société de secours aux blessés, les 17,240 enfans de la France que nous avons perdus