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fonctionnaient, l’un à Cette sous la présidence de M. de Saint-Pierre, l’autre à Paris sous la direction énergique du révérend père Joseph, aumônier militaire. L’appel fait à la générosité publique par ces hommes de bien n’avait trouvé qu’un faible écho dans la population épuisée par les sacrifices, ruinée par la guerre et fléchissant sous le poids des impôts que nécessitait l’indemnité stipulée par le traité de Francfort. La souscription ouverte dans les journaux ne recueillit qu’une somme insuffisante : 15,494 fr. 25. En y ajoutant les collectes faites par des groupes militaires, par M. Wurtz pour Leipzig, par M. Dupetit-Thouars pour Rastatt, par les Strasbourgeois pour Lechfeld, on arrivait à un total de 25,319 francs, qui n’était point en rapport avec les exigences de l’œuvre entreprise. On fusionna, comme dit le langage des compagnies industrielles.

La Société de secours s’entendit avec les deux comités et promit son assistance pécuniaire, le gouvernement en fit autant, et le révérend père Joseph resta chargé de la mission patriotique et religieuse, à laquelle il se consacra avec un dévoûment exemplaire. Il partit pour l’Allemagne, où il trouva près des autorités, près des particuliers, un empressement auquel il a rendu justice. Parfois même il a rencontré plus que du bon vouloir, et il put recueillir des témoignages spontanés de sympathie que l’on ne ménageait pas aux efforts que la France faisait afin d’honorer la mémoire de ses enfans tombés pour l’amour d’elle. Le curé Plank, de Freising, en Bavière, lui écrivait: « J’éprouve une joie extrême du soin que vous prenez pour la mémoire de vos morts ; j’admire l’intarissable générosité de votre pays qui a tant fait pour ses soldats, qu’aucun, parmi les internés de ma paroisse, n’a été dans le besoin. Je crois qu’il n’y a pas au monde une nation qui donne l’exemple de pareils sacrifices. Dieu le rendra à la France en lui restituant son ancienne renommée. » Mgr l’évêque Namzanowski, prévôt-général des armées allemandes, lui disait : « La France est toujours elle-même ; vous faites là une œuvre digne de toute admiration. Pour faire de telles choses, il faut croire à Dieu et à l’immortalité de l’âme : un peuple qui garde ses convictions ne saurait périr. » Aveu précieux à relever et arraché par l’évidence même à ceux qui, la veille encore, étaient nos ennemis. Dans plus d’un endroit, le révérend père Joseph eut à constater le dévoûment dont nos pauvres soldats prisonniers avaient été l’objet. Parmi les faits qu’il cite, je n’en retiendrai qu’un seul.

Mille hommes de l’armée que les troupes allemandes tenaient bloqués autour de Metz avaient, après la capitulation du 27 octobre, été internés à Schneidemuhl. L’hiver est dur et précoce dans le duché de