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On ne le savait plus ; dès le 17 septembre, la ville était entourée d’une muraille de fer qui ne s’ouvrit qu’aux premiers jours du mois de février, après la conclusion de l’armistice. Heureusement les ambulances de campagne expédiées par la Société avaient pu prendre route avant l’investissement et arriver à proximité des champs de bataille. Elles étaient à Sedan, elles étaient sous Metz, et le service sanitaire de nos armées, qui, au début de la campagne, les avait accueillies avec un air protecteur, fut trop heureux de recevoir leur aide et de se décharger sur elles d’une partie des travaux qui l’accablaient. La convention de Genève est internationale ; on ne l’oublia pas hors de France, et parmi les ambulances, rapidement formées, qui vinrent nous apporter leur concours dès la fin du mois d’août, il convient de citer celles qui furent organisées par les sociétés de Belgique, de Suisse, d’Amérique, d’Angleterre, de Turin, de Néerlande. Cela fut d’un exemple excellent, et il est à désirer que partout où les peuples entreront en lutte, on voie apparaître les délégués des nations qui ont adhéré à la Croix rouge.

Il est également nécessaire que toute initiative individuelle se rattache par un lien hiérarchique à la Société de secours, afin d’éviter les inconvéniens qui peuvent la menacer et qui ont atteint l’ambulance dont la presse avait payé les frais. Celle-ci fît une expérience qui doit servir de leçon. Partie après nos premières défaites, elle tomba au milieu d’un corps prussien qui, lisant sur l’étendard : « Ambulance de la presse, » crut qu’elle était en dehors de la convention de Genève, feignit d’en prendre le personnel pour un groupe de journalistes en tournée de propagande démocratique, et la retint prisonnière. On se débattit, et je ne sais quel eût été le résultat de la discussion, si le roi de Prusse n’était venu à passer. Il ne permit pas à l’ambulance de se rendre à Metz, qui était son point de destination, mais il l’autorisa à rentrer en France par l’Allemagne et la Belgique. L’ambulance suivit l’itinéraire indiqué et put arriver à Sedan la veille même du désastre. Ces désagrémens, pour ne pas dire plus, auraient été épargnés à cette ambulance, si, se résignant à ne pas faire montre de sa personnalité, elle s’était simplement rangée sous la bannière uniforme et respectée de la Société de secours aux blessés.

Séparée de son chef-lieu, qui était Paris, sans communication possible avec le conseil central, la Société fit de son mieux en province ; elle installa des ambulances dans les gares, des hôpitaux dans des collèges, dans des couvens, dans des fabriques, et malgré une organisation que les tâtonnemens inséparables d’un début, les nécessités foudroyantes, la persistance de la mauvaise fortune, rendaient défectueuse, elle rendit bien des services à une prodigieuse quantité de soldats, de mobiles désorientés, d’officiers blessés qui