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représentée que par un comité de bon vouloir, mais dont l’action ne dépassait pas les limites du salon où il se réunissait. Il avait cependant provoqué une première réunion internationale dès 1867 et fait acte de présence dans les villes où l’on avait discuté les moyens pratiques de subvenir aux besoins sanitaires des armées en campagne. En 1869, ses délégués avaient assisté au congrès de Berlin et s’étaient engagés à paraître à celui que Vienne préparait pour l’année 1872. Sans s’émouvoir ni se presser, on était résolu à profiter des loisirs de la paix pour étudier théoriquement les divers élémens dont se compose l’assistance militaire. On s’imaginait avoir bien des jours devant soi, et l’on remettait à d’autres temps l’éducation qui déjà aurait dû être faite. La destinée ne se soucie des projets humains ; on dirait qu’elle emploie sa perversité à les bouleverser et à changer les rêves en cauchemars, au moment où l’on y pense le moins. On se rappelle ce coup de foudre et ce soubresaut dont la France fut secouée jusque dans ses profondeurs. Le 30 juin 1870, M. Émile Ollivier, président du conseil des ministres, avait dit au corps législatif : « À aucune époque le maintien de la paix n’a été plus assuré qu’aujourd’hui. De quelque côté que l’on tourne les yeux, on ne découvre aucune question qui recèle un danger ; partout les cabinets « nt compris que le respect des traités s’impose à chacun, mais surtout des deux traités sur lesquels repose la paix de l’Europe : le traité de Paris, de 1856, qui assure la paix à l’Orient, et celui de Prague, de 1866, qui assure la paix à l’Allemagne. »

Trois jours après, la candidature d’un prince de la maison de Hohenzollern au trône d’Espagne mettait l’opinion publique en désarroi : tout le monde perdait la tête ; on n’entendait plus que des appels aux armes ; le conflit, qu’il eût été facile d’éviter, devenait inévitable ; le 16 juillet, le pont de bateaux qui relie Kehl à Strasbourg était replié ; et le 19, la déclaration de guerre était officiellement transmise à la cour de Prusse. La Société de secours aux blessés n’était en état de parer à aucune des difficultés qui subitement fondaient sur elle. La plupart des membres du comité étaient hors de Paris ; ils y accoururent. Le 17 juillet, ils étaient réunis ; ils se rendirent au château de Saint-Cloud, où ils furent reçus par l’impératrice ; ils se déclarèrent en permanence et décidèrent de siéger deux fois par jour au Palais de l’Industrie, que le gouvernement avait mis à leur disposition. Les magasins, comme la caisse, étaient vides ; il fallut tout improviser, car, en réalité, rien n’existait. Depuis six ans qu’elle avait été créée pour venir en aide aux victimes de la guerre, la Société était prise au dépourvu à l’heure où les hostilités commençaient. Elle n’avait même pas un caisson d’ambulance à faire marcher derrière