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la mort, terme de leurs épreuves. Pleurez, mon ami, puis séchez vos larmes et venez avec moi combattre le bon combat. Luttons jusqu’à ce que nous ayons obtenu le rappel de cette loi inique. »

Peu de jours après, la ligue contre la loi des céréales était organisée. La lutte la plus formidable que deux hommes aient jamais soutenue contre un gouvernement commençait, et en 1846 ils arrachaient à sir Robert Peel la concession qu’ils réclamaient au nom des classes ouvrières.

La carrière politique de Cobden appartient à l’histoire; nous n’entreprendrons pas de la raconter dans le cours de cette étude : il n’en relève que par ses débuts peu connus et les succès commerciaux de ses premières années. Rappelons seulement que la fortune ne fut pour lui qu’un instrument ; qu’il la sacrifia tout entière à sa cause et à ses idées, et que cet homme, qui eût pu mourir millionnaire, mourut pauvre, mais laissant un nom glorieux parmi les plus illustres dont s’enorgueillisse sa patrie.


V.

Chicago, la cité des prairies, dont la superficie dépasse aujourd’hui celle de Paris, dont la population s’accroît annuellement de 50,000 habitans et atteint aujourd’hui 800,000, est surtout la métropole de la viande et du blé. Sur son colossal marché de porcs passent chaque année plus de 4 millions d’animaux; une seule maison, Armour et Cie, tue, dépèce, sale et fume annuellement 1 million de cochons et 300,000 bêtes à cornes. Dans ses elevators s’entassent 400 millions de boisseaux de céréales. Plusieurs de ses maisons de commerce peuvent rivaliser avec les plus opulentes de New-York; on cite notamment celle de Field, Luter et Cie, dont le chiffre d’affaires dépasse 100 millions par an, Mac Cormick, le plus grand constructeur de machines agricoles des États-Unis et dont le nom est connu dans toutes les parties du monde.

Mais la cité des prairies tient à honneur de n’être pas seulement la grande métropole de l’ouest, la ville utilitaire et riche ; ses opulens millionnaires ont doté d’une société historique la cité née d’hier, et cette société vient de publier son premier volume. Il contient le récit des aventures de deux pionniers anglais, Morris Birkbeck et George Flower, qui, les premiers, s’établirent dans l’Illinois, et y réalisèrent, le second surtout, une grande fortune.

Ge récit est curieux. Il met en saillie l’esprit tout à la fois aventureux et pratique des colons anglais, ces goûts de vie libre, indépendante qu’ils ont transmis à leurs descendans américains. Il nous