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faillis la faculté de se soustraire à diverses conséquences de la faillite par des concordats[1] amiables. Cette proposition, vivement attaquée par le professeur Bravard, fut écartée. En 1853, une pétition couverte de signatures et demandant, au contraire, une réglementation plus sévère des faillites, fut présentée au corps législatif et ne reçut aucune suite. En 1871, l’assemblée nationale fut saisie par M. Ducuing d’une proposition d’après laquelle, lorsque le débiteur apporterait un arrangement constaté par procès-verbal dûment signé, accompagné de l’inventaire, et lorsque le tribunal homologuerait cet arrangement, il n’y aurait lieu ni à la faillite, ni à désignation de syndic ou de juge-commissaire, ni même à l’apposition des scellés. Cette proposition, d’abord prise en considération et renvoyée à une commission spéciale, mais combattue par M. Le Royer, rapporteur, fut repoussée. En 1877, un comité d’étude et d’action, appelé, du nom de son président, comité Laplacette, entreprit d’obtenir la réforme intégrale de notre loi sur les faillites et déploya le plus grand zèle, ouvrant une vaste enquête, organisant des réunions et des conférences. L’impulsion était donnée, et le mouvement se propagea. MM. Desseaux, Dautresme et R. Waddington firent à la chambre des députés (avril 1879) une nouvelle proposition sur les concordats amiables. Enfin, le 15 novembre 1881, M. Saint-Martin, député de Vaucluse, et trente-sept de ses collègues, déposèrent sur le bureau de la même chambre un projet beaucoup plus large, qui tendait à une refonte générale de la législation.

Le gouvernement pria la chambre de surseoir. Le garde des sceaux Humbert saisit le conseil d’état, et celui-ci chargea M. Courcelle-Seneuil de rédiger un rapport qui devint l’exposé des motifs du projet ministériel. L’étude de toutes les modifications proposées à notre loi des faillites fut renvoyée par une nouvelle chambre des députés à une commission spéciale qui choisit pour rapporteur M. Laroze. C’est sur ce dernier projet que s’est engagé le débat à la chambre des députés les 16, 18, 20 octobre 1888, et que porte surtout, par conséquent, notre examen critique. Toutefois, ni le double dépôt du projet parlementaire, ni même l’urgence deux fois votée, n’avaient calmé l’ardeur des assaillans. La dernière chambre et la chambre actuelle virent se succéder un contreprojet de M. Maxime Lecomte (17 mars 1885), qui rappelle la

  1. Par le concordat simple, les créanciers remettent le failli à la tête de ses affaires et lui accordent, soit des délais, soit la remise d’une partie de ses dettes, de telle sorte qu’il doit être libéré envers eux après leur avoir payé un dividende convenu. Au contraire, en cas d’union, le dessaisissement du failli ne cesse pas ; ses biens sont vendus au profit de la « masse des créanciers, » et il reste débiteur de l’excédent.