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sont identiques à celles du calibre léger (80), et la même couleur — Le vert olive traditionnel de l’artillerie depuis Gribeauval, — recouvre leurs coffres. Faut-il qu’à ces causes de confusion on en joigne d’autres, provenant de la multiplicité des munitions destinées à la même bouche à feu pour ses différens usages?.. Est-ce à votre cuisinier ou à votre cocher que vous vous adressez?.. Est-ce une charge de cavalerie qu’il s’agit d’arrêter? — Venez chercher des boîtes à mitraille dans ce coin-ci. Pour disperser de l’infanterie, vous prendriez des shrapnels dans ce coin-là, et cette case enfin contient d’autres projectiles encore pour le cas où vous auriez à obtenir des effets de pénétration et de dislocation. Trop de diversité nuit. Et on a fort bien fait de ne plus garder qu’une seule sorte d’obus et de s’acheminer ainsi à l’unité de munitions, qu’on aura réalisée enfin le jour où disparaîtra des coffres la « boîte à mitraille » qui ne sert que contre les charges de cavalerie... quand elle sert! Car, la plupart du temps, on n’en trouve pas l’emploi. L’artillerie allemande a rapporté dans ses arsenaux, au retour de la guerre de 1870, toutes les boîtes à mitraille qu’elle en avait emportées, sauf une... qui s’était cassée en route. Ces engins démodés prennent la place d’obus; c’est un poids mort que traînent les voitures. Même aux écoles à feu, on n’arrive pas à en faire usage, bien qu’on soit prévenu qu’il y aura à s’en servir dans le courant de la séance, bien que, en cette prévision, on prenne soin de les retirer des niches, où elles reposent en paix au fin fond des avant-trains, pour les placer à portée de la main. Jamais en campagne, si on est surpris par l’apparition _ d’escadrons débouchant fût-ce à 1 kilomètre, jamais, dans les trois ou quatre minutes qu’il leur faudra pour venir fondre sur la batterie, on n’aura le temps d’aller même prendre dans cachettes ces projectiles insolites. Les instrumens dont on ne sert jamais n’en sont pas meilleurs pour cela. Le jour où on veut y avoir recours, on ne sait plus comment ils fonctionnent: on tâtonne, on hésite, et le moment favorable est passé, surtout si ce moment est très bref, comme l’est le tourbillon qui emporte la charge. On l’avait si bien compris, qu’on avait imaginé de placer les boîtes à mitraille sur l’affût même. Malheureusement, les secousses produites par le tir, la percussion du recul et de sa réaction les détérioraient, et on dut leur cherche un autre emplacement ; c’est ainsi qu’elles sont reléguées pendant le combat, à 40 ou 50 mètres de la pièce, et nul doute qu’on ne les y laisse, malgré toutes les recommandations de la prudence. Au surplus, pour éclabousser d’éclats le terrain qui est en avant du front, l’obus à mitraille est presque aussi efficace que la boîte à mitraille. Celle-ci est donc inutile, et, comme elle est une surcharge et une cause d’encombrement, comme elle tient la place d’un projectile plus utile,