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humblement les fabricans de battre monnaie avec leur découverte. Dans leur détresse, ils s’adressèrent à Josiah Mason ; on le disait riche, et on le savait bien disposé pour les inventions nouvelles. Il les accueillit avec sympathie, étudia leurs procédés, en comprit la valeur et accepta leurs offres d’association. Ouvrant largement sa caisse bien garnie, il décida la création d’une gigantesque usine, en fit dresser les plans, établir les devis, et commença les travaux. Effrayés des proportions qu’il entendait donner à cette première manufacture et des sommes qu’il allait y engloutir, ses associés lui remontrèrent timidement que leur invention appliquée à des objets d’art, reproductions de vases, médailles, statuettes antiques ou modernes, ne comportait qu’une production restreinte, d’un usage peu répandu. Mais fidèle à ses principes, Josiah Mason avait déjà fixé son attention sur une tout autre branche d’industrie, reléguant au second plan celle dont s’étaient uniquement préoccupés ses nouveaux associés. Il leur expliqua que, leurs procédés permettant d’argenter les métaux les plus communs, il se proposait d’entreprendre sur une vaste échelle l’argenture des couverts de zinc, de fabriquer ainsi à un prix très modique un article d’un usage universel, de procurer aux masses les avantages hygiéniques, l’agrément et la propreté qui résultent de l’emploi des couverts d’argent, et d’introduire ainsi jusque dans les demeures les plus modestes un luxe très envié et rendu peu coûteux.

Il n’eut pas de peine à les convaincre, d’aussi vastes horizons étaient pour les séduire ; il en eut davantage à se soustraire aux objurgations de ses amis. On menait grand bruit dans Birmingham de la colossale usine qu’il faisait élever et des sommes considérables qu’elle absorbait. On ne mettait pas en doute qu’il ne se ruinât, et chacun de lui prodiguer des conseils qu’il écoutait courtoisement, se bornant à répondre que, l’usine achevée, il entendait, en outre, ouvrir des salles de vente et d’exposition à Londres et à Liverpool. On le tenait pour fou. Entre temps, il recrutait les plus habiles ouvriers, les meilleurs artistes et dessinateurs, et poussait activement ses travaux.

L’exposition de Hyde-Park, en 1851, prouva qu’il ne s’était pas trompé dans ses prévisions, et fut, pour la maison Elkington et Mason, un éclatant triomphe. En peu d’années, Josiah Mason rentra dans ses déboursés et accrut considérablement sa fortune. D’heureuses spéculations de terrains à Birmingham la grossirent encore, et, en 1858, il possédait assez de millions pour réaliser enfin le rêve qu’il avait caressé toute sa vie.

Après avoir distrait de sa grande fortune une somme modeste, suffisante pour assurer à sa femme et à lui une existence telle