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n’a eu ni une décoration, ni même, à ce qu’il semble, une parole du jeune voyageur impérial, et l’exception est d’autant plus singulière que le comte Taaffe est depuis longtemps déjà le chef du ministère autrichien, l’homme de confiance de l’empereur François-Joseph ; mais le comte Taaffe n’est pas allemand, pas plus que slave d’ailleurs, dans sa politique : il est autrichien, et peut-être aussi n’était-il pas étranger aux mesures de précaution qui ont été prises pour que les manifestations allemandes préparées en l’honneur de Guillaume II pendant son séjour à Vienne n’eussent pas un caractère blessant ou désobligeant pour l’Autriche. Le comte. Taaffe a été oublié dans la distribution des grâces ! Bien mieux, il y a eu un autre incident qui, sans être exclusivement autrichien, n’est pas moins piquant. Le prince de Galles, qui se trouvait à Vienne, s’est empressé de partir, à la veille de l’arrivée de Guillaume II, pour aller prendre possession d’un régiment de hussards qui lui a été récemment donné par l’empereur François-Joseph. Il a présidé, en militaire consommé, aux manœuvres de son régiment, il a fait aussi quelques promenades. L’archiduc Rodolphe a été obligé de se partager entre la chasse au chamois, en Styrie, avec l’empereur Guillaume, et la chasse à l’ours, en Hongrie, avec le prince de Galles. L’héritier de la couronne d’Angleterre a tenu visiblement à ne point se rencontrer avec son neveu impérial et c’était assez naturel après le rapport et les boutades de M. de Bismarck. Le prince de Galles a brillé par son absence à Vienne, comme le comte Taaffe a brillé par son absence parmi les décorés : tant il est vrai que ces réceptions savamment préparées, ces fêtes, ces démonstrations d’une cordialité officielle, déguisent assez mal les dissonances intimes, les froissemens, les incompatibilités, tout ce qui fait que les alliances célébrées le plus pompeusement deviennent et durent ce qu’elles peuvent !

L’alliance de l’Autriche et de l’Allemagne a sans doute sa force, une force momentanée, parce qu’elle répond dans une certaine mesure à une situation exceptionnelle et troublée. L’empereur Guillaume par sa présence à Vienne n’y a rien fait ; il ne fera pas beaucoup plus à Rome où il est maintenant, où il va passer quelques jours au milieu du bruit, des ovations, des manifestations d’un peuple toujours épris des spectacles extraordinaires. Depuis trois mois déjà, les représentai de l’Italie officielle se préparent et préparent leur pays au grand événement qui s’accomplit aujourd’hui. La ville de Rome a été, dit-on, transformée pour la circonstance et a fait les frais d’une décoration nouvelle propre à réjouir les yeux de son jeune visiteur. Devant lui les voies triomphales sont ouvertes, les arcs sont dressés, les illuminations s’allument et le Capitale organise ses fêtes. Il n’y a pas à dire, il y a des publicistes d’outre-monts, et parmi eux un député auteur d’un récent dithyrambe, qui ont déjà imaginé une philosophie