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a pas de milieu : ou nous sortirons de la crise plus intimes que jamais, ou nous en sortirons brouillés. » — « Je préfère de beaucoup votre première hypothèse, » répliqua chaleureusement lord Derby. Son vœu devait se réaliser bientôt, moins par son fait que par la force des circonstances.

En face d’une attitude aussi décidée, le cabinet anglais, qui ne se souciait pas de la guerre, ne pouvait hésiter. Il comprit qu’en faisant un pas de plus dans la voie où les cours du Nord s’efforçaient de l’entraîner, il aurait à compter avec l’opinion publique, et qu’elle ne lui pardonnerait pas d’avoir sacrifié à des questions archaïques les rapports des deux pays. Mais pour n’avoir pas l’air de céder sous notre pression et aussi pour justifier sa défection aux yeux des trois puissances, il fit dépendre la reconnaissance de garanties écrites. Il voulait se mettre en règle avec son parlement et pouvoir lui démontrer qu’il s’était prémuni contre les complications que tout le monde appréhendait. Ses prétentions n’avaient rien qui pût porter atteinte à notre dignité. S’il répugnait à l’empereur de s’engager avec les gouvernemens qui s’étaient coalisés pour l’humilier, il ne lui en coûtait pas de tranquilliser l’Angleterre libre de ses résolutions. Il était au contraire de bonne politique de la soustraire au plus vite, par une satisfaction donnée à son amour-propre, aux sollicitations dont elle était l’objet. Aussi M. Drouyn de Lhuys fut-il autorisé à affirmer à lord Cowley « que l’empereur ne modifierait pas son attitude ; qu’il reconnaîtrait et approuverait tout ce que le président de la république avait reconnu et approuvé depuis quatre années ; que la même main, la même pensée, continueraient à régler les destinées de la France ; que, jaloux de ses droits, il respecterait également ceux des autres, et attacherait le plus grand prix à contribuer pour sa part au maintien de la paix. »

Lord Cowley résuma ces déclarations dans une dépêche que M. Drouyn de Lhuys lui renvoya avec une note, certifiant qu’elle reproduisait fidèlement les assurances qu’il lui avait fournies.

C’était le billet de La Châtre ! Si après une pareille garantie l’empereur s’était emparé de la Belgique, comme on le redoutait, ou avait tenté un débarquement sur le sol britannique, il n’eût certes pas failli à la loi jurée. Il fallait que les Anglais fussent bien inquiets et bien désireux d’être rassurés à tout prix, pour se contenter de si peu. L’empereur prit-il d’autres engagemens plus solennels et plus explicites ? Il est permis d’en douter. Lord Malmesbury ne se serait pas fait faute d’en informer la reine dans le message qu’il lui adressa le 2 décembre pour lui faire connaître les résolutions arrêtées en conseil. « Lord Cowley, écrivait-il, ayant obtenu de M. Drouyn de Lhuys une confirmation écrite et officielle des explications qu’il nous a données, les ministres ont décidé qu’on