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avait le vent en poupe, il était porté par le courant de l’opinion, et tous les gouvernemens, hormis la Russie, l’Autriche et la Prusse, étaient prêts à le reconnaître.

Les princes allemands surtout étaient impatiens de reprendre avec lui leurs rapports officiels. Ils attachaient une grande importance à le faire sans l’intermédiaire de la diète germanique, afin de bien indiquer qu’ils entendaient exercer leurs droits souverains dans toute leur plénitude. M. de Bismarck se plaignait, non sans amertume, de leur attitude. Il trouvait scandaleux que des états minuscules, tels que Francfort et Nassau[1], méconnussent leur rôle en répondant, dès le lendemain, à la notification de l’empire, sans prendre conseil ni à Vienne ni à Berlin. « Leur conduite, écrivait-il, dénote un tel oubli de leur situation et de leurs devoirs, qu’il importe de leur en faire sentir sévèrement l’inconvenance. » Le ministre de Russie auprès de la diète, M. de Glinka, s’associait à son courroux. Ils morigénaient de compte à demi les délégués dont les gouvernemens s’étaient permis de faire agréer hâtivement leurs félicitations à Napoléon III sans daigner s’enquérir des convenances des deux grandes puissances allemandes alliées à la Russie. Les représentans de Wurtemberg et de Hesse, également pris à partie, justifiaient leurs souverains tant bien que mal ; ils prétendaient que leurs manifestations se réduisaient à de simples témoignages de courtoisie, transformés, bien à tort, en actes politiques. — « Mon roi, disait l’envoyé wurtembergeois à Francfort, s’est borné à faire transmettre au ministre de France, par un de ses aides-de-camp, quelques mots de politesse : « Si vous voyez par hasard le duc de Guiche, lui a-t-il dit, ne lui laissez pas ignorer la satisfaction que me causent les nouvelles de France. » Le Moniteur disait, au contraire : « Le roi de Wurtemberg a envoyé son premier aide-de-camp, le lieutenant-général de Spitzenberg, féliciter le duc de Guiche, le ministre de France à Stuttgart, à l’occasion de l’avènement au trône de Sa Majesté Napoléon III. » Le Moniteur jouait le rôle de l’enfant terrible ; il compromettait gratuitement les

  1. Extraits du Moniteur universel, 10 décembre 1852 : — « M. Neubourg, le premier bourgmestre de Francfort, a annoncé au marquis de Tallenay que de nouvelles lettres de créance allaient être adressées à M. Rumpf, le représentant des villes libres à Paris. » — « Le prince de Wittgenstein a annoncé officiellement à M. de Tallenay la satisfaction avec laquelle son souverain, le duc de Nassau, avait accueilli la nouvelle de la proclamation de l’empire. » — « Le baron de Dalwigk, ministre des affaires étrangères du cabinet de Darmstadt, a annoncé officiellement au chargé d’affaires de France que le grand-duc de Hesse avait accueilli avec la plus vive satisfaction la nouvelle de la proclamation de l’empire, et que l’intention de Son Altesse Royale était de rétablir à Paris la légation du grand-duché, supprimée depuis plusieurs années. »