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résistance, qu’il porta lui-même à Paris et offrit à l’empereur. Cette pièce, qui devait servir de modèle à l’artillerie actuelle, était d’un métal très résistant, presque blanc, et poli comme l’acier. Napoléon III en fut très frappé ; il questionna l’inventeur et lui témoigna une affectueuse sympathie, dont sir Henry Bessemer a toujours conservé un souvenir reconnaissant. Le contraste était grand alors pour lui entre l’intérêt, dont faisait montre à son égard un souverain étranger et l’accueil plus que dédaigneux des fonctionnaires anglais.

De retour à Londres, il reprit ses travaux sur une vaste échelle. Il tenait le problème pour résolu en théorie. Des fontes grises, ordinaires, il était enfin parvenu à extraire, par un procédé nouveau d’affinage, l’acier qui devait porter son nom, et révolutionner l’industrie des chemins de fer en la dotant de rails bien autrement durables que ceux alors en usage. Il s’agissait maintenant d’opérer en grand, de prouver par des chiffres irréfutables la supériorité de sa méthode, et de produire l’acier à un prix très réduit. Ses premières tentatives échouèrent ; ses fours étaient défectueux. Il les fit démolir et reconstruire à nouveau, encouragé par les résultats chaque jour plus satisfaisans qu’il obtenait, découragé par ces essais dispendieux qui épuisaient ses ressources. Cette fois encore, il trouva dans sa compagne l’appui moral ; qui ne lui fit jamais défaut et la confiance qui l’encourageait à persévérer. Ses autres entreprises prospéraient ; mais, absorbé dans ses recherches, il avait dû laisser à son associé, M. Robert Langsden, la direction de leurs affaires, et ses incessans appels de fonds à leur caisse commune menaçaient de les ruiner tous deux. Il s’en ouvrit franchement à lui et lui proposa de lui vendre sa part dans leur association, ou, s’il entendait continuer de lui allouer, à titre d’indemnité, une participation de 20 pour 100 dans, les nouveaux brevets qu’il entendait prendre. M. Langsden était son ami, plus encore que son associé ; il disposait d’une certaine fortune ; il croyait, lui aussi, au succès d’Henry Bessemer, et, sans hésiter, accepta cette dernière proposition. Rassuré de ce côté, Bessemer se remit, à l’œuvre ; il réussit enfin, en 1856, à inventer le convertisseur, — auquel il a laissé son nom, et qui lui permit d’extraire, des fontes grises du prix moyen de 18 francs les 100 kilogrammes, un acier brut revenant à 30 francs les 100 kilogrammes. En août de la même année, il communiquait au British-Association son rapport sur la fabrication du fer et de l’acier.

Ce mémoire eut un immense retentissement en Angleterre et en Europe. Les principaux maîtres de forges accoururent à Londres. La preuve matérielle des assertions restait à faire ; mais le