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fonctions « pour lesquelles, dit le ministre, le préfet n’exerce guère son droit que sur la présentation faite par le sous-préfet lui-même ; » c’est-à-dire qu’elles rentrent dans la catégorie des nombreuses pièces qu’on signe sans y jeter même un coup d’œil ; besogne absolument mécanique qui enlève, comme dit un infortuné conseiller de préfecture, le courage et jusqu’à la pensée de se livrer à un travail plus sérieux, pendant les heures où l’on ne signe pas. Effectivement, dans le métier de conseiller de préfecture, tel qu’il est organisé présentement, on donne pendant une partie de chaque mois jusqu’à 1,500 et 1,800 signatures par jour. Mais, à en juger par les détails et les vétilles, de toute espèce sous lesquels M. le préfet, accablé, succombe, — pour pouvoir planter une haie d’épines en bordure d’une route départementale, il faut un arrêté préfectoral, après pétition du propriétaire et avis de l’ingénieur en chef, — on demeure convaincu que le projet nouveau ne constitue pas, selon son expression même, « une innovation trop hardie. »

La plupart des communes françaises, dit l’exposé des motifs gouvernemental, « sont des communes rurales d’une faible population (en effet la moitié d’entre elles n’ont pas 500 habitans, tandis qu’en Italie, par exemple, la moyenne de la population d’une commune est de 3,000 âmes), ne possédant que des ressources restreintes, et où les affaires n’offrent d’ans leur marche ordinaire aucune difficulté. A quoi bon soumettre ces affaires à un double examen et aux lenteurs qui en résultent ? Mieux vaut mettre les administrés plus directement en rapport avec l’autorité. » Mais, dans l’application de ces principes, le ministre s’est montré infiniment trop timide : je craindrais d’abuser de la patience du lecteur qui a bien voulu me suivre jusqu’ici dans des détails d’une certaine aridité, si je prétendais le promener trop longuement dans les dédales de l’expropriation pour cause d’utilité publique, des taxes d’affouage, des aliénations de biens communaux, etc. ; d’une manière générale, je crois que l’arrondissement doit être administré avec une entière indépendance par le sous-préfet, sous sa responsabilité, sauf les recours suspensifs adressés au préfet et au ministre par les individus qui auraient à se plaindre de ses décisions ; les affaires litigieuses étant aux affaires non litigieuses dans la proportion de 1 à 100, — heureusement, — l’arrondissement pourra le plus souvent vivre de sa vie propre, sans le secours de gens qui ne connaissent rien à ses affaires. Et cette substitution du préfet au ministre et du sous-préfet au préfet ne coûtera pas un centime, attendu qu’il n’est pas plus long pour les bureaux de province de rédiger eux-mêmes un arrêté que de formuler un avis motivé qui permette aux bureaux de Paris de faire rendre un décret.

La décentralisation administrative doit être nécessairement