Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/849

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seulement on en a raccourci le manche. » Il semble qu’en pareille occurrence la longueur du manche importe beaucoup, surtout quand il a jusqu’à 1,100 kilomètres de long ; puis le bras qui tient le manche, le corps auquel est attaché ce bras,.. tout cela change le coup de marteau.

On peut refaire pour les agens d’arrondissement le mot de Sieyès sur le tiers-état : « Qu’est-ce que le sous-préfet ? — Rien. — Que doit-il être ? — Presque tout. » — Car le sous-préfet, c’est l’administration qui voit par ses yeux, qui se montre et à qui l’on parle ; ce sont les rapports directs et personnels. Rien n’est plus trompeur que le gouvernement assis et armé d’une plume ; celui qui a écrit une lettre croit trop volontiers que son devoir est accompli et qu’un acte ordonné est un acte fait. « Par la force même des choses, dit le projet officiel, le préfet est souvent obligé de s’en rapporter à ses bureaux, qui ne peuvent vérifier que l’exactitude matérielle des documens dont ils sont saisis (et encore ! ), et qui, faute de connaître la véritable situation d’une commune, peuvent se méprendre sur le caractère des questions à résoudre. » Voilà qui est fort raisonnable, et l’on ne peut qu’applaudir M. Goblet déclarant que « le gouvernement a résolu d’entreprendre dès à présent, et de poursuivre la transformation complète de notre organisation administrative… dans la mesure où elle lui paraîtra compatible avec les besoins des services et des nécessités gouvernementales. » Malheureusement ce dans la mesure où n’annonce rien qui vaille ; c’est une de ces formules de protocole qui engagent peu ; on croit entendre ce chef de division d’un vaudeville de M. Ludovic Halévy promettant à un jeune néophyte récemment incorporé « de ne laisser passer personne avant lui, personne, insiste-t-il, excepté, bien entendu, ceux qui montreraient plus d’aptitude ou qui auraient des protections. » Toutes les exceptions ne confirment pas les règles, il y en a qui les détruisent. En fait, les bureaux parisiens ne se dessaisissent qu’à la dernière extrémité ; ce n’est pas assez pour l’état de conduire toutes les affaires par ses agens, il entreprend de diriger la conduite de ses agens eux-mêmes, et leur retire parfois, en douceur, par le simple usage de son autorité hiérarchique, des droits que le législateur leur a conférés. A peine la loi en vigueur a-t-elle permis aux préfets de suspendre pour un mois les conseils municipaux, qu’aussitôt le ministre leur défend « de publier leurs arrêtés de suspension avant de lui en avoir communiqué la teneur. » C’est toujours sous prétexte que les préfets ne fassent quelque bêtise que les commis de la capitale les empêchent d’exercer leurs attributions, comme un père de famille qui confisque les joujoux donnés à son fils par un ami généreux, et qui, les tenant renfermés dans une armoire, promet de les lui laisser manier de