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Christine pleurant de rage. Elle envoya aux états une Protestation, où elle réservait ses droits au trône en cas de mort du petit Charles XI. Les états la lui renvoyèrent une heure après et la sommèrent de signer une renonciation formelle, sous peine de perdre sa pension. La colère de. Christine est visible, dit-on, dans sa signature. On la poussa enfin hors de Suède à force de tracasseries.

Une semblable réception l’aurait dégoûtée à jamais de la Suède, si elle n’avait su que la fille du grand Gustave y gardait, malgré tout, un parti. Ainsi s’explique sa seconde tentative de 1667, qui aboutit à un auront encore plus sanglant. Le sénat et la régence arrêtèrent : « De ne pas souffrir ni permettre à Sa Majesté la reine Christine de rentrer en ce royaume ou en quelqu’une de ces provinces, à l’exception de la Poméranie, de Brème et de Verden, encore moins qu’elle vienne à la cour de Sa Majesté. » On envoya au-devant d’elle, sur la route de Stockholm, un courrier qui la joignit à minuit passé. Il lui apportait des conditions si dures et offensantes, à observer sous peine des lois, qu’elle demanda des chevaux à l’instant et sortit de Suède pour n’y plus rentrer. D’après une lettre de Pierre de Groot, ambassadeur de Hollande en Suède, là aussi la mort de Monaldeschi pesait lourdement sur sa gloire.

Elle s’en fut passer au retour par le duché de Brome, où elle visita un camp suédois commandé par Wrangel, qui avait servi sous son père. Christine voulut leur montrer à tous ce qu’elle savait faire. Parée d’un fringant uniforme et montée sur un bon cheval, elle caracola à travers les rangs et commanda la manœuvre. Il va de soi qu’elle la commandait tout de travers. Le vieux Wrangel riait et corrigeait à mesure. Christine continuait sans se troubler, car rien ne lui paraissait plus sérieux que sa vocation de capitaine. Elle était justement en intrigue pour se faire nommer roi de Pologne, et ses agens avaient ordre de faire valoir l’avantage de la posséder à la tête des armées. « Je proteste, écrivait-elle, que la seule espérance de cette satisfaction me fait souhaiter la couronne de Pologne. »

L’aventure de Pologne est la plus bizarre d’une existence tissue de bizarreries. Le chef-d’œuvre de la carrière de Christine est assurément d’avoir persuadé au pape d’appuyer sa candidature au trône laissé vacant par l’abdication de Jean-Casimir. Les pièces relatives à la négociation ont été publiées ; jamais les auteurs de féeries n’ont inventé une diplomatie d’une fantaisie aussi superbe. Le pape ayant recommandé Christine à la diète polonaise par un bref où il vantait « sa piété, sa prudence et son intrépidité tout à fait mâle et héroïque, » Christine écrivit au nonce : « Quant au point de la