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élogieuses. Cet exemple, notre service de santé l’a offert en Crimée à tous les degrés de la hiérarchie, et la France n’aura jamais assez de reconnaissance pour le dévoûment avec lequel il s’est prodigué.

Est-ce l’appât des récompenses qui l’excitait à dépasser la mesure des vertus les plus fermes ? Non, certes, et, dans cette même année 1856, où nos ambulances militaires avaient été témoins d’un si constant héroïsme, les « majors » ont pu se convaincre que l’ingratitude des nations ne connaît point de limites. On devait croire qu’entre le soldat qui combat l’ennemi et l’officier de santé qui combat la mort, l’assimilation était complète. Le simple bon sens parait indiquer que mourir sur le champ de bataille d’un hôpital de guerre en luttant contre un fléau plus cruel que la mitraille, ou périr d’un coup de feu en luttant contre les troupes de l’adversaire, donne des droits égaux à la modique pension que l’état assure aux veuves de ceux qui ont succombé. Le simple bon sens a tort ; une législation nouvelle le lui a prouvé. La loi du 11 avril 1831 porte, titre III, section Ier, article 19 : « Ont droit à une pension viagère : 1° les veuves des militaires tués sur le champ de bataille ou dans un service commandé ; 2° les veuves des militaires, qui ont péri à l’armée ou hors d’Europe et dont la mort a été causée, soit par des événemens de guerre, soit par des maladies contagieuses ou endémiques, aux influences desquelles ils ont été soumis par les obligations de leur service. » A la section II, l’article 22 ajoute : « La pension des veuves des militaires est fixée au quart du maximum de la pension d’ancienneté affectée au grade dont le mari était titulaire, quelle que soit la durée de son activité dans le grade. » D’après cette loi, la veuve d’un médecin en chef d’armée reçoit 900 francs de pension, la veuve d’un sous-aide-major 250 francs. Dès que le traité de Paris eut mis fin à la campagne de Crimée, on s’occupa d’augmenter les pensions militaires, qui n’étaient plus en rapport avec la moins-value que l’exploitation des mines d’or de la Californie a infligée aux métaux monnayables. Une loi du 26 avril 1856 modifia les dispositions de la loi du 11 avril 1831, et éleva le taux de la pension du quart. à la moitié du maximum ; c’était un acte d’équité ; mais cette loi stipulant pour les veuves des militaires et des marins tués sur le champ de bataille ou « dont la mort a été causée par des événemens de guerre » resta muette pour le service sanitaire. Il n’est plus question de maladies contagieuses ou endémiques, et les veuves des médecins militaires se trouvèrent exclues du bénéfice des pensions nouvelles. Pendant que cette loi se discutait au corps législatif, dans ce même mois d’avril, je viens de le dire, 12 médecins tombaient victimes