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terminerais les affaires de Sétif et de Bougie sans coup férir ; la situation qui m’est révélée par les dernières nouvelles diminue infiniment cette espérance. Néanmoins, je ferai tout pour éviter les combats. »

Le lendemain, comme il sortait du palais pour se mettre en campagne, survint une dépêche ministérielle, datée du 30 avril ; en conformité d’un ordre du jour voté par la chambre, elle blâmait l’entreprise sans oser absolument l’interdire. Le maréchal ne se donna pas la peine de remonter à son cabinet ; il entra dans le bureau des officiers de service, prit une plume et fit immédiatement au ministre cette réponse : « Il est bien évident que je dois prendre sur moi toute la responsabilité de l’œuvre dans toute la chaîne du Djudjura. Je la prends en entier. Il le faut bien d’ailleurs, puisqu’elle m’est laissée, mais cela ne m’effraie pas. Je vous prierai seulement de remarquer qu’on serait bien mal fondé de me répéter encore que je redoute la presse et l’opinion. Je monte à cheval pour rejoindre mes troupes. » Et il partit.

Deux colonnes devaient concourir à l’expédition. Celle dont le maréchal s’était réservé le commandement, et dont les élémens se concentraient à Bordj-Bouira, dans le Hamza, comptait onze bataillons et trois escadrons, d’un effectif total de 7,000 hommes et de 400 chevaux. L’autre, que le général Bedeau rassemblait à Sétif, comprenait neuf bataillons et trois escadrons ; elle était moins forte de 1,000 hommes en infanterie.

Du côté du maréchal, les opérations commencèrent le 13 mai. Les deux premières journées furent pacifiques ; les tribus riveraines de la grande vallée de l’Oued-Sahel, obéissant à la proclamation qui avait été répandue chez elles, venaient faire leur soumission tour à tour. Le 15, les premiers coups de fusil furent tirés par les Beni-Abbès. A la nuit tombante, des signaux de feu coururent sur les crêtes de la rive droite, et il y fut pareillement répondu de la rive gauche. Presque tout de suite, dès huit heures, l’attaque commença contre les grand’gardes, qui ripostèrent, sans que l’ordre et le silence fussent troublés dans le bivouac. Vers une heure du matin, le feu cessa ; deux heures après, le maréchal prit l’offensive.

Laissant ses bagages à la garde de trois bataillons, il s’éleva dans la montagne de la rive droite avec les huit autres et les obusiers. Toutes les crêtes occupées sur plusieurs lignes par les Kabyles furent tournées les unes après les autres, et les villages qui leur servaient d’appui successivement enlevés et incendiés. Il n’en restait plus qu’un tout au sommet, entre deux tours. Ce village portait le nom d’Arzou, et, dans le pays, les deux tours étaient