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Les sources de Bakou présentent des exemples remarquables « de variation dans les différentes phases de leur manifestation. Ainsi, il est arrivé qu’après avoir arrêté à grands efforts l’écoulement trop impétueux d’une source dont les débordemens causaient une perte considérable de naphte, celui-ci jaillit soudain avec abondance d’une source voisine qui était demeurée à sec, ce qui semblerait indiquer que les deux sources provenaient du même bassin souterrain. Cependant la source ainsi improvisée étant devenue à son tour trop violente, on rouvrit celle qui avait été comblée, et il se trouva qu’elle ne renfermait plus une goutte de naphte, et même n’exhalait pas un gaz quelconque.

D’autre part, les mêmes sources présentent dans leur écoulement les intermittences les plus tranchées et les plus soudaines ; elles disparaissent complètement pour revenir avec une force redoublée.

Enfin beaucoup de puits sont remarquables par la hauteur du jet de gaz qui s’en dégage. Ainsi la fontaine de Bengson, qui perce les sables qu’on avait atteints à une profondeur de 11 mètres, lance des jets qui s’élèvent à 82 mètres au-dessus de l’orifice du puits ; il arriva un jour qu’un jet de 48 mètres de hauteur s’enflamma soudain, ce qui produisit un tableau vraiment original.

Les jets trop impétueux causent souvent des pertes considérables de naphte, en le répandant en larges nappes sur le sol, où il s’évapore et se trouve mélangé avec la poussière ou autres matières détritiques ; aussi a-t-on construit plusieurs appareils destinés, sinon à prévenir toujours la formation de fontaines inutiles, du moins à en régulariser l’action.

Indépendamment des jets trop abondans, un autre fait contribue à la perte d’une notable quantité de naphte, c’est la conflagration à laquelle sont exposées les fontaines, soit spontanément, soit à la suite d’un contact accidentel avec le feu ; de tels phénomènes sont malheureusement très fréquens à Bakou. Ainsi, en 1887 (le 11 juillet), un jet puissant jaillit d’un puits qui donna 2,400 kilogrammes de naphte par heure, mais ce jet ne tarda pas à s’enflammer sans cause ostensible et s’éteignit tout aussi promptement. Or il a été constaté que, pendant les trois jours d’incendie, la quantité de naphte inutilement consumée représentait une valeur perdue d’environ 14,000 francs. Des accidens de cette nature n’arrivent que trop souvent parlai négligence des habitans, qui, contrairement aux prescriptions des autorités locales, établissent les forages trop près les uns des autres, ce qui fait que les incendies se communiquent aisément entre les