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Louis-Napoléon, chargeait de préparer l’opinion et les cabinets à ses coups de théâtre par des articles ou des brochures à sensation ; l’Autriche est placée entre l’Italie et la Hongrie, la Russie a une Pologne attachée à son. flanc, la Prusse a le duché de Posen, et l’Angleterre porte l’Irlande comme un fardeau et un remords. Au premier coup de canon, les peuples se relèveront de leur servitude. »

Le langage des journaux officieux était fait pour donner à réfléchir, car on savait que leur inspirateur se considérait comme. un homme prédestiné, capable des entreprises les plus hasardeuses.

« Je connais Louis-Napoléon personnellement depuis des années, écrivait lord Malmesbury, le 29 mars 1852, à sir Hamilton Seymour ; je sais que le trait le plus remarquable de son caractère est une obstination qui, soutenue par un tempérament flegmatique, résiste à toutes les difficultés. Tous les projets conçus par son cerveau y restent sans qu’il en fasse connaître les détails, mais leur accomplissement n’est qu’une question de temps. Devenir empereur est sa marotte depuis, qu’il a vingt ans, et je me rappelle avoir vu sa mère rire de ce rêve. »


VII. — LA PROCLAMATION DE L’EMPIRE.

Le 1er décembre 1852, le rêve dont souriait la reine Hortense devenait une réalité. Le corps législatif, après avoir proclamé le vote qui rétablissait l’empire, se présentait à Saint-Cloud pour apporter au prince Louis-Napoléon le tribut de ses félicitations. Il le reçut placé sur une estrade, ayant le roi Jérôme à sa droite et le prince Napoléon à sa gauche. « Le nouveau règne que vous inaugurez aujourd’hui, dit-il en réponse à la harangue du président de la chambre, n’a pas pour origine, comme tant d’autres dans l’histoire, la violence, la conquête ou la ruse. Il est le résultat légal de la volonté du peuple, qui consolide au milieu du calme ce qu’il avait fondé au temps des agitations.

« Je prends, avec la couronne, le nom de Napoléon III, parce que la logique du peuple me l’ donné dans ses acclamations[1], parce que le sénat l’a proposé légalement, et. parce que la nation entière l’a ratifié. Est-ce à dire, cependant, qu’en acceptant ce

  1. Mémoires de lord Malmesbury. — « Lord Cowley raconta une anecdote sur l’origine de ce numéro III que Napoléon a tenu à accoler à son nom. Il dit que c’est à la suite d’un quiproquo. Le préfet de Bourges, dans ses instructions écrites aux autorités, avait recommanda de faire crier : vive Napoléon ! ! ! Au lieu d’un point d’exclamation, il en mit trois, qu’on prit pour un chiffre. En entendant crier : Vive Napoléon III, le président a dressé l’oreille et a fait demander des explications ; il a dit au duc de Mortemart : « voilà un préfet bien machiavélique ! »