Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/537

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la politique des cantharides. Le cabinet de Pétersbourg la pratique volontiers et presque toujours avec succès. Elle lui permet d’impressionner les plus audacieux et de les faire venir à résipiscence.

On continuait à échanger sous le manteau, entre Pétersbourg et Paris, force protestations ; la réalité, malheureusement, ne répondait pas aux dépêches du général de Castelbajac et encore moins aux assurances que des intermédiaires de toute qualité, plus ou moins autorisés, apportaient au palais de l’Elysée. L’empereur Nicolas persistait à faire de la politique d’apostolat et de sentiment. Il acceptait l’empire, mais il lui marchandait les formules.

Cependant, le temps marchait ; on était au mois de novembre, l’empire allait être proclamé, et aucune des difficultés que la forme de la reconnaissance avait soulevées n’était résolue. Si l’empire était accepté en principe, on était loin d’admettre le rang dynastique et historique que revendiquait Louis-Napoléon. L’heure psychologique était venue ; il fallait s’expliquer et prendre un parti.


V. — LES EXPLICATIONS ENTRE PARIS ET PÉTERSBOURG.

Le 14 novembre, le marquis de Castelbajac, après un rapide congé passé en France, reprenait possession de son poste. L’empereur le reçut aussitôt. — « vous connaissez mes sentimens pour le prince ; Louis-Napoléon, lui dit-il ; j’ai pour lui une haute estime ; mais je suis péniblement affecté des termes de son message au sénat[1] ; je ne m’attendais pas à une pareille déclaration de principes. Nous sommes les anciens, et, à ce titre seul, on nous doit quelques égards, quelques ménagemens. Son oncle, l’empereur Napoléon, nous a attaqués ; mon frère, l’empereur Alexandre, a dû se défendre, il a glorieusement combattu pour l’indépendance de son pays, et si je

  1. Article 8 du sénatus-consulte. La proposition suivante sera présentée à l’acceptation du peuple français, dans les formes déterminées par les décrets des 2 et 4 décembre 1851 : « Le peuple veut le rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte, avec hérédité dans sa descendance directe, et lui donne le droit de régler l’ordre de succession au trône dans la famille Bonaparte, ainsi qu’il est prévu dans le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. »
    Ont signé : M. Mesnard, premier président ; MM. Drouyn de Lhuys, Troplong, Baraguay d’Hilliers, vice-présidens ; comte d’Hautpoul, grand référendaire ; baron de Lacrosse, secrétaire du sénat ; Cambacérès, Regnault de Saint-Jean-d’Angély ; le comte Siméon ; le comte de La Riboissière ; LL. EE. cardinal de Bonald ; cardinal du Pons ; cardinal Gousset ; cardinal Donnot ; maréchal Reille ; maréchal Vaillant ; l’amiral Mackau, etc.
    Fait au palais du sénat, le 7 novembre 1852.
    Louis NAPOLEON.
    Pour le prince-président :
    Le ministre d’état, FOULD.