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ment. Le jour où l’Italie vraie et sérieuse reviendra au sentiment de la réalité des choses, elle s’apercevra bien vite qu’une politique plus simple, moins agitée, attentive à ses intérêts, ferait bien mieux son affaire ; elle verra d’elle-même qu’on l’abuse par de vaines apparences, qu’on risque de la compromettre dans d’étranges aventures, et qu’elle a déjà payé trop cher les voyages de M. Crispi à Friedrichsruhe.

Les jeux diplomatiques et les grandes combinaisons sont ce dont on s’occupe le moins au-delà des Pyrénées, par cette saison ingrate et trompeuse. La reine-régente a repris cette année encore le chemin des provinces basques, où elle a retrouvé cette juste et saine popularité qu’elle avait déjà conquise sans effort, qu’elle sait garder par sa dignité de femme, comme par sa loyauté de souveraine constitutionnelle. Quelques-uns de ses ministres sont auprès d’elle, les autres sont à Madrid ou dans les provinces. Le monde politique se repose ou fait des discours en attendant les luttes parlementaires, qui seront certainement vives à la session prochaine. On parle bien encore de temps à autre, il est vrai, de conspirations républicaines, de mouvemens militaires : jusqu’ici, séditions militaires, conspirations de parti n’ont été que des bruits. Le ministère de M. Sagasta, même dans ce repos des vacances, a de bien autres difficultés qui le menacent, qui tiennent à sa propre politique et aux divisions obstinées, croissantes de sa majorité. Il y a surtout deux dangers sérieux, pressans pour lui. L’un est dans les réformes militaires dont le dernier ministre de la guerre, le général Cassola, a légué le compromettant héritage à son successeur, qui restent une obsession et un embarras, qui ont provoqué dès le début des divisions passionnées parmi les généraux, dans tout le monde de l’armée. L’autre danger est dans un certain nombre de réformes plus ou moins démocratiques, telles que le rétablissement du suffrage universel, que le ministère se propose de soutenir devant les cortès, qui soulèvent bien des dissentimens dans toute Une partie de la majorité. C’est sur ces divers points que quelques hommes publics ont saisi récemment l’occasion de s’expliquer dans leurs pérégrinations en Galice. Les uns, les conservateurs, M. Pidal, M. Francisco Silvela, ont vivement attaqué le ministère ; d’autres, le président du congrès, M. Martos, le ministre des affaires étrangères, M. de la Vega y Armijo, ont défendu la politique libérale du cabinet. Avant peu, M. Canovas del Castillo va aller poursuivre sa campagne conservatrice à Barcelone. Tous ces discours qui se succèdent indiquent assez la vivacité des luttes prochaines, les difficultés de la position du ministère, qui aura de la peine à faire accepter ses projets par bon nombre de ses amis ou de ses alliés.

La politique intérieure divise violemment les partis au-delà des Pyrénées ; la politique extérieure semble plutôt les rapprocher aujourd’hui. Il y a au moins un point sur lequel l’accord est à peu près uni-