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de représentation doit appartenir à tous. On a passé d’une de ces. idées à l’autre, en attribuant à la majorité le droit de représentation confondu avec le droit de décision. Avec l’ancien système, la minorité du corps électoral peut élire la majorité numérique de la chambre ou du conseil municipal, des minorités considérables se trouvent exclues de toute représentation ; on ne sait à quels moyens peut se trouver réduit un parti qui n’a pas la faculté de faire connaître ses sentimens : si les abolitionnistes n’avaient pas été systématiquement rejetés du congrès de 1861, la guerre de sécession n’aurait peut-être point éclaté. Quand, ajoute-t-on, nous réclamons ce droit, nous disposons, non-seulement pour le présent, mais encore pour l’avenir : hodie mihi, cras tibi. Politique ou privée, la for-lune a des goûts changeans ; ce que nous demandons aujourd’hui comme minorité sera votre sauvegarde demain. Autrement l’égalité la plus précieuse, l’égalité électorale, est un mythe, puisque la loi fonctionne à contre-sens du but à atteindre. Enfin, avec notre principe, tout citoyen éminent peut entrer à la chambre sans s’affilier à aucun parti, sans rechercher l’appui du gouvernement et par la seule force d’une popularité due au mérite.

Les partisans de la routine invoquent le statu quo, se placent sur le terrain prétendu pratique, accusent leurs adversaires de faire de l’idéalisme politique, « de mettre du vin nouveau dans les vieilles bouteilles. » Quand on allègue la nécessité de protéger la minorité contre la tyrannie de la majorité, ils répondent que, si celle-ci veut se montrer tyrannique, aucun artifice ne l’en empêchera ; de quelque manière que l’on fasse les cartes, celui-là gagne la partie qui a le plus d’atouts. D’ailleurs, toute minorité sérieuse a une influence, même dans les élections où elle n’obtient aucun siège. Le vote cumulatif est absurde, parce qu’il considère chaque électeur comme trois ou quatre hommes réunis en un seul ; il suppose le scrutin de liste, permet à des minorités infimes d’avoir une représentation et empêche les profonds courans dans la masse électorale.

En Angleterre, le dernier échec des novateurs date de 1878 : plus d’un sans doute, en votant contre eux, a dû se rappeler le mot d’un député gouvernemental : <t J’ai entendu quatre mille discours dans ma vie, beaucoup ont modifié mon opinion, aucun n’a changé mon vote. » En revanche, lord Cavendish demanda, obtint en 1870, l’introduction du suffrage cumulatif dans l’élection des conseils scolaires. C’est le Danemark qui le premier a fait l’application du principe : la loi qui l’organise date de 1855, avant la publication des livres de Thomas Hare et de Stuart Mill ; bien que le système de M. Andræ semble assez compliqué, l’expérience a prouvé qu’il se pratique aisément. On verra, dans une autre étude, qu’au Brésil les