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menaçait la France du courroux de Paris, si les élections n’étaient pas assez républicaines ; le 15 mai, les journées de juin, et cette commune du 18 mars 1871 qui éclate, sous les yeux des armées prussiennes, contre le suffrage universel, contre 1* civilisation, en pleine république, en pleine liberté, tient pendant deux mois la capitale courbée sous son joug, prélude par l’assassinat de deux généraux, finit par le massacre des otages, des gendarmes, des prêtres, des magistrats, par l’incendie de la ville. Il faudrait comparer Paris aux autres capitales[1], remarquer qu’aucune n’a été le théâtre de scènes aussi extraordinaires, se rappeler cette pensée profonde de Rivarof : « Ceux qui sont mieux chez eux que dans la rue sont toujours vaincus par ceux qui se trouvent mieux dans la rue que chez eux. » Il faudrait aussi faire la psychologie du Parisien, sujet à des enthousiasmes foudroyans, à des retours subits, généreux, héroïque et artiste, mais esclave de ses nerfs, de la passion, de l’instinct, demandant des lois pour les autres et n’en voulant point pour lui, a voyant l’univers dans la France, Paris tout entier dans le salon qu’il fréquente, dans l’usine où il travaille, » se croyant de bonne foi investi d’une sorte de droit divin révolutionnaire, et, malgré tant d’admirables qualités ; dénué absolument d’esprit politique et municipal.

Après avoir esquissé ce tableau, un volume suffirait à peine à ébaucher les principales figures ; on aurait à résumer l’organisation administrative de Paris avant et après 1789. Un fait remarquable,. c’est qu’en dehors de certaines crises révolutionnaires, cette cité n’a jamais été administrée uniquement par un conseil d’habitans, qu’à côté de ceux-ci paraît toujours une autorité choisie directement par le souverain : préfet de la ville sous la domination romaine ; comte, vicomte, sons les rois francs ; prévôt de Paris depuis Hugues Capet. Ce prévôt de Paris a pour successeurs le préfet de la Seine et le préfet de police, comme le prévôt des marchands, sous l’ancien régime, représente le maire de Paris.

A la veille de 1789, l’administration municipale se partage entre le parlement, le bureau des finances, la chambre des bâtimens, le lieutenant-général de police et le bureau de la ville ; les attributions de ce dernier ont été de plus en plus réduites. Jusqu’à la loi du 21 mai 1790, les représentais de la commune de Paris, élus par les soixante districts, exercent le pouvoir avec Bailly, son premier maire, et La Fayette, commandant de la garde nationale : la loi de 1790 confie à la municipalité la police, le droit de requérir la force armée, institue un maire, seize administrateurs,

  1. Une prochaine étude sera consacrée à l’examen des grandes villes étrangères.