Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/370

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grandes exploitations, voilà son idéal. La régie municipale a parfois du bon, mais convient-elle en pareille matière ? Ignore-t-on que ni l’état ni la commune ne fabriquent à bon compte ; que le réseau des chemins de fer de l’état coûte 900 millions et en rapporte 6, à condition qu’on ne compte ni l’intérêt ni l’amortissement du capital ? Heureusement la ville reste liée par des traités qui maintiennent, jusqu’en 1905, le régime de la concession privilégiée ; elle a une part des bénéfices, ne paie le gaz que 0 fr. 15, perçoit un droit d’octroi de 0 fr. 02 par mètre cube brûlé dans Paris ; c’est de quoi la consoler des maladresses de ses édiles. En attendant, ils ne perdent pas une occasion d’exercer des vexations contre leur bête noire : ils viennent de confectionner un baroque cahier des charges au moyen duquel ils se proposent d’empêcher toutes les entreprises d’éclairage électrique, afin d’organiser ce service municipalement et d’en faire une pépinière de serfs électoraux. Une des clauses interdit à la compagnie du gaz de prendre part à aucune entreprise de ce genre. Toujours le monopole à rebours ! Mais les omnibus[1] pâtissent bien davantage de leur intervention : le traité de 1860, leur abandonnant la faculté d’imposer à la compagnie telle ligne nouvelle, telle correspondance qui leur semble conforme à l’intérêt public, ils en profitent pour exiger d’elle des lignes purement électorales, comme la fameuse ligne Songeon, dont les voitures sont presque toujours vides. Le 12 juillet dernier, ils ont voté la déchéance de la compagnie générale des omnibus ; le rapporteur de la troisième commission est allé jusqu’à dire que la compagnie nourrit ses chevaux avec de la sciure de bois, et torture son personnel. Mêmes préoccupations, mêmes préjugés, même responsabilité dans la question du métropolitain, mise à l’étude par M. Léon Say dès 1871 : au nom de l’autonomie, ils veulent le spécialiser, autrement dit le garder pour eux, afin de le remplir de leurs créatures ; aussi refusent-ils de le souder, soit à la ceinture, soit aux compagnies de chemins de fer ; l’affaire reste en l’air et subit des retards excessifs.

Ils ajournent sans cesse l’achèvement du boulevard Haussmann, opération qui serait terminée si on avait laissé faire les intéressés ; mais ils ont poursuivi avec ardeur la création d’une Bourse du commerce et surtout d’une Bourse du travail. La première a servi de paravent à une opération de viabilité poursuivie par M. Alphand avec autant de ténacité que de succès, et exécutée à grands frais. On a commencé par l’Hôtel des Postes, la rue Etienne-Marcel, un bout de la rue du Louvre ; une fois pris dans l’engrenage, le

  1. A Londres, l’exploitation des omnibus est libre.