Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’est pas moi, c’est vous qui avez traité les crucifix de mobilier scolaire. Vous avez violé la propriété des congréganistes, je veux détrôner le capital, détruire les monopoles. Mes finances sont meilleures que les vôtres, et il n’y a entre vous et moi que l’épaisseur… de la loi. Je complète le syllogisme, et j’ai sur vous l’avantage de la logique : médecin, guéris-toi toi-même. »

On hésite à frapper l’enfant terrible de la famille révolutionnaire ; on le cajole, on essaie de transiger. C’est un marchandage perpétuel, l’application constante du contrat innomé : je donne pour que tu renonces, je te concède une sottise pour que tu m’en épargnes deux autres. Nous sommes armés jusqu’aux dents, nous avons pour nous le droit, la loi, la force ; il suffit de trois lignes dans l’Officiel pour mettre à néant les fantaisies du grand conseil du collectivisme, quatre hommes et un caporal le feraient rentrer sous terre, s’il sentait une main ferme au-dessus de lui. Malheureusement il y a des ministères débonnaires, il y a des ministres incohérens, campés au pouvoir comme une peuplade barbare dans un pays civilisé envahi à l’improviste. Et pourquoi s’en prendre à eux ? Pourquoi auraient-ils plus d’énergie que n’en a eu le congrès lui-même ? Sans doute le cabinet actuel, en approuvant la délibération qui réglementait le travail des ouvriers de la ville[1], avait assumé la responsabilité de la grève des terrassiers ; mais ses prédécesseurs n’ont-ils pas frayé la voie depuis huit ans ? Ce qui caractérise la situation, écrivait M. John Lemoinne, c’est une faiblesse générale de tempérament dans les pouvoirs publics, c’est le besoin et le désir de se soustraire à la responsabilité. La résistance n’est nulle part et la complicité est partout. Le gouvernement n’a pas à demander une loi pour installer son préfet à l’Hôtel de ville ; cette loi existe. Mais le conseil pousse les hauts cris, parce qu’il entend garder la place libre pour le futur maire de Paris, et, venant à la rescousse, ses alliés secrets, endormeurs, ergoteurs et casuistes, affectent de distinguer, d’épiloguer sur le décret de messidor. À quoi bon partir en guerre pour une salle à manger et une chambre à coucher, car le préfet a déjà son cabinet, un salon d’attente et des bureaux pour ses secrétaires. Et quant aux fêtes, on a imaginé un moyen terme qui satisfait tout le monde : elles sont données au nom de la ville de Paris, représentée par le préfet de la Seine et le conseil municipal de Paris. Troublé par ces clameurs,

  1. Neuf heures de travail, un jour de repos par semaine, interdiction des sous-traitans à l’entrepreneur, défense d’avoir plus de 10 pour 100 d’ouvriers étrangers, les heures supplémentaires payées le jour 25 pour 100, la nuit 50 pour 100 en plus, amendes, clauses de déchéance contre l’adjudicataire, les salaires de 1881-1882 pris pour types, telle est la substance de cette délibération.