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grands officiers de la couronne[1], ont pris part à presque toutes les mêmes choses grandes que les pairs et avec eux. » C’est là un usage antique et justifié, une tolérance rationnelle qu’il faut tenir pour respectable.

Veut-on des preuves absolument certaines du droit incontestable de la pairie ? On les trouvera nombreuses, éclatantes, irréfutables, dans les cérémonies augustes qui accompagnent le sacre de nos rois et dans lesquelles le rôle principal, le rôle essentiel, appartient aux ducs-pairs de France. « Eux seuls, dit le mémoire, ont en leur possession les ornemens royaux ; eux seuls élisent et choisissent, et, depuis, déclarent le roi[2] ; eux seuls le vont chercher jusque dans le sommeil ;.. ils le trouvent donnant entre ses rideaux fermés, comme nu, puisqu’il n’a qu’une simple camisole de satin sur sa chemise, comme déchaussé, puisqu’il n’a ni bottines ni éperons,.. qui se laisse lever par qui le prend, et conduire encore assoupi et mal éveillé où on veut le mener ; — eux seuls reçoivent le serment qu’il fait à genoux des obligations qu’il contracte envers ses sujets ; — eux seuls le sacrent par les mains de l’un des leurs, l’archevêque de Reims, et lui remettent les ornemens qui marquent sa puissance : les éperons, l’épée, la main de justice et le sceptre, pour bien indiquer qu’il tient tous les attributs de la royauté des pairs de France ; — eux seuls le couronnent et d’une façon tellement singulière, qu’elle ne s’observe nulle part ailleurs au monde, tenait tous ensemble, au-dessus de lui, une couronne qui ne touche même pas à sa tête et qui est si large et si pesante qu’il n’est géant auquel elle peut convenir, et le conduisant, en cet état, jusqu’au trône qu’on lui a préparé, pour faire bien entendre que le roi ne peut porter qu’avec eux le grand poids de la couronne, que les grandes affaires leur doivent être également partagées en communication, en conseil, en puissance, qu’ils sont les instrumens de tout ce qu’il y a de grand dans l’état, ceux qui approchent et appuient de plus près la couronne, les seuls qui y puissent porter la main, c’est-à-dire conjuger, condécerner, conexécuter, constatuer, conlégislater avec le roi, valider, autoriser, par leur pouvoir et par celui de la nation résidant en eux, ce que le roi doit faire avec leur concours ; — eux seuls le proclament, le déclarent, le

  1. Ce sont uniquement, d’après Saint-Simon, le connétable, le chancelier, le grand-maître de la maison du roi, le grand-chambellan, le grand-écuyer, les maréchaux de France, l’amiral, le colonel-général de l’infanterie et le grand-maître de l’artillerie.
  2. « Encore que toute femelle ait toujours été exclue de la couronne par tout mâle de la famille,.. nulle loi n’a jamais déféré la couronne à l’aîné des fils des rois de la première ni de la seconde race. »