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épouses de Louis XIII et de Louis XIV, ont-ils épargné à la maison d’Autriche les revendications violentes de ces deux princes ? ont-ils empêché le testament du roi Charles second, qui a légué la couronne d’Espagne à un fils de France ? La parole, la promesse, la signature du roi ne paraissent pas suffisantes aux ministres de la reine pour conjurer les dangers de l’avenir. N’ont-elles pas été, en maintes circonstances, oubliées, méconnues, ou même audacieusement violées ? Ils désirent qu’elles soient appuyées et confirmées par l’approbation de la nation française, aux yeux de toute l’Europe, qui a droit, tant l’affaire dont il s’agit est considérable, à des sûretés particulières. Ils se contenteraient, sans doute, de la ratification des états-généraux représentant la France, comme le parlement représente l’Angleterre, sinon sous la même forme, au moins d’après les mêmes principes, et ils ont exprimé le désir qu’ils soient convoqués à bref délai. Mais Louis XIV s’irrite d’une telle prétention. Elle lui semble excessive, inacceptable. Il la trouve blessante, outrageante, insolente même. « Lui faire apercevoir, dit Saint-Simon, qu’on croyait trouver, dans ses sujets, une autorité confirmative de la sienne, c’était un attentat au premier chef,.. Il était blessé, là-dessus, dans sa partie la plus sensible, absolu, sans réplique, comme il s’était rendu, et ayant éteint et absorbé jusqu’aux dernières traces, jusqu’aux idées, jusqu’au souvenir de toute autre autorité, de tout autre pouvoir en France qu’émané de lui seul. » De là surgissent des difficultés assez sérieuses, des contestations un peu aigres, des répliques un peu vives, qui, sans compromettre gravement la situation, mettent, pendant quelques jours, la bonne harmonie en péril.

II s’agit, pour les conseillers de Louis XIV, de mettre d’accord les exigences de la reine Anne et les susceptibilités royales de leur maître. Tâche ardue et glissante que ses ministres et ses principaux courtisans poursuivent avec une ardeur égale, les uns désirant avant tout, comme Torcy et Voysin, trouver l’heureux expédient qui procurera enfin, aux peuples épuisés, les bienfaits d’une paix définitive ; les autres, comme Saint-Simon, ardens à profiter d’une occasion qui peut faire ressortir glorieusement l’importance de leurs fonctions et de leurs privilèges.

Autorisés par le consentement tacite du roi, Chevreuse, Beauvilliers, Noailles, Humières, Charost et Saint-Simon, tous les six ducs et pairs de France, ont conféré, à plusieurs reprises et sans pouvoir s’entendre, sur les formes de la sanction qu’il convient, d’après les précédens historiques, de donner aux Renonciations, pour les revêtir de garanties suffisantes. Noailles, « qui écorchait la superficie de tout, » écrit très méchamment et assez faussement son