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Philippe second… Pour la stabilité et exécution de ces traités, il a été convenu qu’il se ferait des renonciations réciproques par le roi notre maître et au nom de sa postérité royale à la succession possible de la monarchie de France et de la part des princes de la maison de France à celle de cette couronne,.. et il a été jugé convenable que les unes et les autres Fussent passées et confirmées dans les cor tes, de manière que ces renonciations fussent une loi pour leur donner plus d’autorité et de force et pour la satisfaction réciproque.

« C’est pour cette raison que le roi notre maître a ordonné qu’on vous appelât et qu’on vous convoquât, étant persuadé que le grand zèle de si dignes sujets correspondant, avec soumission, à l’amour infini qui porte ce pieux monarque à procurer le plus grand avantage et la plus grande élévation de cette couronne, vous concourrez, de votre part, à la solennité, à l’autorité et à la confirmation des intentions royales de Sa Majesté. »

« Aussitôt que cette lecture a été finie, ajoute Bonnac, les députés de Burgos et de Tolède, qui ont une ancienne compétence pour le premier rang, se sont venus jeter aux pieds du roi d’Espagne pour lui demander la permission de porter la parole au nom de l’assemblée dans les remercîmens qu’elle voulait leur faire.

« Tous les députés s’étant ensuite levés et découverts, celui de Burgos a pris la parole et a exprimé, dans un discours fort court, mais fort énergique, la reconnaissance des Espagnols de la préférence que le roi d’Espagne donnait à leur nation. Le roi catholique leur a ensuite permis de s’assembler de nouveau pour examiner et approuver l’acte de renonciation. »

Lexington avait cru que ces importantes formalités, qui devaient couronner l’œuvre royale, seraient accomplies sous ses yeux séance tenante. Pourquoi ce délai ? Ne cachait-il pas un piège ? Bonnac parvint, non sans peine, à calmer les inquiétudes et l’irritation de son soupçonneux collègue, en lui faisant comprendre que les coutumes des cortès s’opposaient à ce que l’enregistrement des volontés du roi eût lieu en sa présence, et qu’en demandant qu’on dérogeât, pour l’amour de l’Angleterre, à de vénérables usages qui ménageaient l’honneur ombrageux des représentans du peuple espagnol, il eût commis un acte impolitique et une imprudence regrettable.

Quant à Philippe, l’acte solennel et décisif dont les députés du royaume venaient d’être les témoins, dont la portée était si grande et dans lequel il avait joué le premier rôle, ne parut lui causer aucune émotion. En quittant l’assemblée, où son attitude digne et froide avait été fort remarquée, il alla tout simplement prendre place, avec la reine, dans un pieux cortège auquel il lui parut