Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

registres de las cortes prouvent qu’aucun étranger n’y assistait. » Si encore lord Lexington était revêtu du caractère officiel d’ambassadeur, on pourrait déroger aux coutumes pour un aussi haut personnage. Comment faire une telle faveur à un simple particulier ? Le comte exige aussi que Bonnac soit présent, afin que le peuple espagnol sache bien que la reine d’Angleterre et le roi de France se sont mis d’accord. Le marquis a fait d’abord de sérieuses objections. Il n’a reçu aucune instruction à cet égard. Peut-il, lui, représentant de l’aïeul, seconder, sans l’acquiescement de son maître, l’agent d’une puissance étrangère dans sa lutte contre le gouvernement du petit-fils ? Il répond cependant à Lexington, après quelques jours de laborieuses réflexions, que, « si la difficulté était levée en ce qui le concerne, il ne demanderait pas mieux que d’assister à las cortes, pourvu que ce fût d’une manière convenable à son caractère,.. persuadé que Sa Majesté n’approuverait pas sa conduite s’il retardait pour cela, au moins pendant trois semaines, la prompte expédition d’un acte qu’Elle juge si nécessaire[1]. » De leur côté, les ministres espagnols ont trouvé un biais. Ce ne sera pas comme ambassadeur, puisqu’il n’a encore aucun titre officiel, ce ne sera pas comme étranger, puisque cela est impossible, ce sera comme personnage de distinction, faisant partie de la suite du roi, comme simple courtisan, que l’envoyé d’Angleterre sera reçu, le 5 novembre, dans la salle des cortes. Lexington accepte l’expédient, contraint et forcé, mais d’assez bonne grâce.

La princesse des Ursins n’avait pas eu à intervenir directement dans ces négociations. Cette fois, on dut agir sans elle, après l’avoir sans doute consultée, et les choses ne s’en passèrent pas beaucoup plus mal. La camarera-mayor était partie pour les eaux de Bagnères vers le milieu de septembre : « Je crois, monsieur, avait-elle mandé à Torcy[2], que je ne me trouverai pas à la réception de M. de Lexenton, parce que Leurs Majestés catholiques ont bien voulu me permettre de m’éloigner d’Elles pour trois mois. Des étourdissemens et une enflure qui s’augmentent me forcent d’aller chercher à Bagnères le remède pour me guérir. Il y a deux ans que je devais faire ce voyage pour les mêmes maux. J’en fus empêchée par la maladie de la reine. À cette heure que toute cette famille royale ne saurait se mieux porter qu’elle fait, et que leurs affaires prennent un bon train, je prends ma résolution avec moins de peine. »

  1. Bonnac à Louis XIV, le 31 décembre 1712.
  2. Le 4 septembre 1712.