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L’envoyé britannique avait annoncé l’intention d’exiger que du Bourk fût banni de la capitale, et, bien qu’Arther lui eût représenté que l’agent de Jacques III « était agréable à Leurs Majestés catholiques, qu’il était chevalier de l’ordre de Saint-Jacques, que les Irlandais étaient comme naturalisés en Espagne, » la cour a reçu une communication à ce sujet. L’accueil n’est pas encourageant : « J’ai proposé à la reine que, si elle trouvait bon que je m’éloignasse, je ferais volontiers un voyage au royaume de Valence ; mais Sa Majesté… a traité de ridicule l’idée de Lexington sur mon sujet. N’y a-t-il pas, dit-elle, des Espagnols rebelles à Londres ? Le comte de La Corsana n’est-il pas plénipotentiaire à Utrecht[1] ? »

Dès son arrivée à Madrid, le représentant de la reine a commencé ses négociations officieuses. Le roi lui a donné audience. Il s’est mis en relations avec ses ministres, ainsi qu’avec Bonnac. Les entrevues sont fréquentes. Chacun travaille, avec un louable empressement, à vaincre les dernières difficultés. Le texte des renonciations, déjà amendé, comme on l’a vu, par l’université d’Oxford, est modifié, une dernière fois, par Lexington, de concert avec la junte qui en a proposé la première rédaction. Il est convenu que Philippe fera sa déclaration royale aux cortès le samedi 5 novembre, qu’on en expédiera immédiatement des copies à Londres et à Versailles[2], qu’après avoir été approuvée et acceptée par les cortès, elle sera enregistrée au parlement de Paris, « chose à laquelle, écrit Bonnac le 31 octobre, on a déterminé le roi avec assez de difficulté[3]. »

Au dernier moment, l’étiquette espagnole, dont les exigences se sont montrées parfois invincibles, soulève de nouveaux obstacles. Le comte de. Lexington veut assister à la séance. La reine sa maîtresse lui a donné l’ordre de se trouver présent à « la cérémonie de la renonciation, » et il déclare que cet ordre sera ponctuellement exécuté. Mais le président du conseil de Castille affirme qu’une telle prétention ne peut être admise, étant contraire aux lois constitutionnelles du royaume. Il a interrogé les précédens, fouillé les archives : « Ne convient-il pas, dit-il à Bonnac, d’observer ce qui s’est fait dans les renonciations des deux dernières infantes d’Espagne qui ont été reines de France[4] ? Or, les

  1. Corsana, comme beaucoup d’autres Espagnols, avait suivi la fortune de l’archiduc. Il était alors l’un des représentans de Charles VI au congrès.
  2. Lexington avait demandé d’abord que l’expédition destinée à son gouvernement portât la signature du roi d’Espagne. Il fallut qu’il se contentât d’une copie collationnée.
  3. Bonnac à Louis XIV et à la princesse des Ursins.
  4. Anne et Marie-Thérèse d’Autriche, épouses de Louis XIII et de Louis XIV.