Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire, et on n’y a pas manqué, que le corpuscule était un produit de l’organisme malade, qu’il marquait un mouvement de régression des élémens normaux des tissus de l’animal vers un état d’organisation inférieur et que, transporté d’un ver à un autre, il ne faisait que provoquer par sa présence, par une sorte d’action catalytique, — action invoquée déjà pour expliquer les phénomènes des fermentations, — toute la série des troubles constituant la maladie. Loin de perdre son temps en vaines discussions, M. Pasteur, continuant à avancer dans la voie féconde qu’il avait ouverte, perfectionnant ses procédés et mettant sa méthode à l’abri de toute objection, produisit, pour toute réponse, une œuvre absolument parfaite, véritable triomphe de la méthode expérimentale, et qui restera à jamais le modèle des études de cette nature.


III

C’est à l’étude du choléra des poules que M. Pasteur appliqua dans toute sa rigueur sa méthode de culture des microbes, à l’état pur, dans des bouillons stérilisés, par une simple adaptation des procédés qu’il avait imaginés pour démontrer l’existence de germes animés dans l’air. La maladie des vers à soie était transmise par des microbes sortis directement du corps des animaux malades : on pouvait les accuser d’être porteurs de quelque parcelle d’une substance inconnue qui était la véritable cause de la maladie. Maintenant, les microbes avec lesquels on provoquera la maladie n’auront de commun avec les animaux malades que d’être les descendans, au travers d’un nombre incalculable de générations, des microbes issus de ces derniers. Pourra-t-on dire alors que dans la goutte de liquide virulent qu’on injecte sous la peau d’un animal, et qui vient d’une culture obtenue par l’ensemencement d’une goutte prise dans une culture précédente qui n’est elle-même que la centième culture obtenue par le même procédé, il y ait encore quelques particules provenant de l’animal malade, et adhérentes à ces microbes, dont l’origine se perd ainsi dans la suite des générations ? M. Chamberland a fait ce calcul : après huit ou dix cultures, la goutte de sang qui a fourni les microbes d’origine se trouve diluée dans un volume de liquide plus grand que celui de la terre ; si donc par l’inoculation d’une goutte de telles cultures, on reproduit la maladie originelle, il faudra bien admettre que les microbes, et les microbes seuls, en sont les agens. Le choléra des poules devait fournir cette démonstration.

Il y a cent ans, en 1789, que, pour la première fois, faisait son apparition, dans la Lombardie, une véritable maladie pestilentielle des volailles. Le mal était rapide, souvent foudroyant, et on