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développement, au sein des animaux malades, de parasites corpusculaires microscopiques, de l’espèce des microcoques, comme nous le dirions aujourd’hui. L’étude de cette maladie était d’ailleurs remarquable à deux points de vue. Non-seulement, en effet, elle établissait pour la première fois la nature microbienne d’une maladie infectieuse, mais encore, par la rigueur avec laquelle l’observateur avait suivi le microbe dans ses voies de transmission et dans ses portes d’entrée dans l’organisme des vers, elle faisait absolument la lumière sur la nature même de la contagion et de l’épidémicité. Jusqu’à ce jour, il avait fallu se torturer l’esprit, imaginer des formules vagues et creuses pour définir la contagion, et on n’avait rien trouvé de mieux, en dehors des influences astrales et du quid divinum, que de créer l’expression de génie épidémique pour expliquer la cause des épidémies. Or voici une maladie épidémique : la cause, c’est un corpuscule microscopique, c’est un microbe, en un mot, qui pénètre dans le corps des vers à soie et qui s’y développe, y menant une vie de parasite, et il y pénètre, soit avec les feuilles ingérées, lorsqu’elles sont souillées par les excrémens de vers malades qui le contiennent, ou par les poussières venant d’éducations infestées, poussières transportées par le vent ou les mains et les vêtemens des personnes ; soit par les blessures que se font les vers entre eux. La maladie se transmet donc, et cette transmission, qui est le fait le plus facile à saisir dans ses moindres détails, ce n’est autre chose que la contagion, c’est le mécanisme même de l’épidémie, c’est ce génie mystérieux qu’on se figurait volontiers, comme le disait Bouley, planant au-dessus des régions infestées et répandant, sur tous les groupes d’animaux sains, l’atmosphère délétère dont ils mouraient. Enfin, la présence du corspucule parasitaire, dûment constatée dans les œufs, fournissait encore sur le mécanisme de la transmission héréditaire des maladies des renseignemens d’une admirable clarté. Aussi peut-ou dire qu’en proposant, pour s’opposer aux progrès de la maladie des vers à soie, d’isoler les éducations malades, de détruire les poussières, de n’admettre pour la reproduction que des œufs provenant de parens sains, M. Pasteur a le premier formulé les trois grands principes en lesquels peuvent se résumer toutes les prescriptions de l’hygiène sociale publique et privée, concernant les maladies populaires, contagieuses, héréditaires et épidémiques.

Aujourd’hui que le rôle des microbes dans les maladies est solidement établi, les conclusions que nous venons d’énoncer paraissent tout à fait légitimes ; mais il faut reconnaître qu’au moment où parut l’étude sur la maladie des vers à soie, elles n’étaient pas absolument à l’abri de quelques objections, méritant discussion, de la part des adeptes de l’origine spontanée des maladies. On pouvait