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observation exacte et d’une connaissance pratique très précise de ces phénomènes. Mais leur étude théorique devait attendre, pour éclore, jusqu’à la fin du XVIe siècle. Van Helmont ouvre l’ère des découvertes en isolant l’acide carbonique des autres gaz : observant alors que ce gaz se dégage de la fermentation des vins, que c’est lui qui les rend pétillans et mousseux, et qu’il se dégage également dans la digestion, dans la putréfaction, dans l’action des acides sur les carbonates, il conclut à l’assimilation de tous ces phénomènes. Puis, il faut encore franchir un siècle pour arriver à cette autre notion précise, que, dans la fermentation des liquides sucrés, le sucre disparaît, et qu’il se forme de l’alcool et de l’acide carbonique. Cependant, ce n’étaient là que les élémens principaux de la connaissance du phénomène et ce devait être l’œuvre de Lavoisier de coordonner ces élémens et d’établir leurs relations mutuelles. Cette connaissance, Lavoisier la résume ainsi en quelques lignes : « Les effets de la fermentation vineuse, dit-il, se réduisent à séparer en deux portions le sucre qui est un oxyde, à oxygéner l’une aux dépens de l’autre pour former l’acide carbonique, à désoxygéner l’autre aux dépens de la première pour former une substance combustible qui est l’alcool, de sorte que, s’il était possible de recombiner ces deux substances, l’alcool et l’acide carbonique, on reformerait du sucre. »

À ce moment, le problème n’était encore élucidé que dans sa partie chimique, et Lavoisier avait négligé de dire ce qu’était cette levure qu’il faut ajouter à l’eau sucrée pour la faire fermenter, et sans laquelle rien ne se produirait. En 1080, Leuwenhoeck avait bien montré que cette espèce d’écume superficielle ou de dépôt des liqueurs fermentées est composée de globules sphériques ou ovoïdes ; mais cette observation devait rester stérile jusqu’au moment où Cagniard-Latour, ensemençant dans du moût de bière ces globules ovoïdes isolés de levure, vit qu’au bout de quelque temps chacun d’eux avait bourgeonné et était devenu double. Ces deux globules unis bourgeonnaient à leur tour, et, après quelques heures, on les retrouvait en groupes multiples, rappelant par leur forme et leur mode de végétation certaines plantes grasses de nos jardins. « Si la levure agit sur le sucre, dit alors Cagniard-Latour, — nous sommes en 1820, — c’est probablement par quelque effet de sa végétation et de sa vie. »

C’est précisément ce qu’il fallait démontrer, et cette preuve, on le sait, a été fournie, irrécusable, par M. Pasteur. Nous passerons très rapidement sur cette étude des fermentations, qui est aujourd’hui, moins de trente ans après son apparition, du domaine scientifique commun, grâce à la rapide et large vulgarisation dont les choses de la science sont maintenant l’objet. D’ailleurs, ces études