Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/959

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne dût pas raviver aussitôt toutes les susceptibilités, tous les antagonismes A défaut d’un congrès, y aura-t-il à Kissingen ou ailleurs, entre M. de Bismarck, le comte Kalnoky, M. de Giers, peut-être même l’inévitable M. Crispi, quelque réunion ou façon de conférence ? Depuis quelques années, les entrevues de souverains et de ministres n’ont pas manqué ; on n’a pas été beaucoup plus avancé. Cette fois encore, il n’en serait vraisemblablement ni plus ni moins ; les difficultés seraient les mêmes, parce que les divergences d’intérêts resteraient ce qu’elles sont, et aujourd’hui comme hier, c’est avec des ménagemens, avec de la prudence, qu’on peut assurer la paix, bien plus qu’avec toutes les entrevues et toutes les ligues défensives.

Mais enfin, direz-vous, dans cette situation toujours si compliquée, si délicate de l’Europe, que se propose l’Italie, — l’Italie officielle ? A qui en a M. le président du conseil Crispi avec ses acrimonies et ses intempérances, avec sa diplomatie turbulente et agitatrice ? Pour un membre des ligues de la paix, il a l’humeur terriblement batailleuse ; il passe son temps à s’exciter lui-même, à exciter son pays contre la France, à allumer les animosités entre les deux nations, en envenimant les plus simples incidens, en propageant ou en encourageant tous les faux bruits propres à entretenir des irritations aussi puériles que factices. Il y a quelques mois déjà, on a découvert un jour, on a répété sans rire au-delà des Alpes, que la flotte française était toute prête à aller bombarder la Spezzia et protéger un débarquement sur les côtes italiennes. Tout récemment, c’était autre chose : notre escadre se disposait à aller enlever Tripoli d’un coup de main, tandis que les troupes de l’Algérie se hâtaient vers la frontière tripolitaine ! C’était naturellement aussi vrai que l’attaque projetée de la Spezzia. De tels bruits, dont M. Crispi lui-même s’est fait quelquefois l’instigateur, n’ont évidemment d’autre but que de semer la haine entre les deux pays, de rendre les relations plus difficiles, en représentant comme la grande ennemie la France, qui, jusqu’ici, à la vérité, ne s’en émeut guère.

Par le fait, il n’y a pour le moment entre la France et l’Italie que deux questions qui, par elles-mêmes, seraient certainement des plus simples et qui ne peuvent être sérieuses que si on le veut : le traité de commerce négocié jusqu’ici sans succès et un incident diplomatique né à l’improviste à Massaouah, sur la Mer-Rouge. Il a plu un jour au gouvernement italien de dénoncer le traité de 1881, qui réglait les relations commerciales des deux nations. Aujourd’hui, dans la négociation nouvelle qui s’est ouverte, il plaît à M. Crispi de ne faire que des propositions insuffisantes, au risque de prolonger une situation, onéreuse sans doute pour les deux pays, et particulièrement pour l’Italie. Que peut la France à cela ? Elle ne cède en vérité à aucune impatience. Elle écoute ce qu’on lui propose ; elle accepte ce qui lui semble acceptable, elle décline le reste. Elle attend ! Si M. Crispi tient